X-Men : La collection mutante est une collection éditée par Hachette. Retour sur son numéro 75, disponible en kiosque : Murderworld.
Dans notre chronique précédente, nous revenions sur le soixante quatorzième numéro de la collection Hachette intitulée X-Men la collection mutante : Gambit, par Chris Claremont, Jim Lee, Kieron Dwyer, Bill Jaaska, Mike Collins et Whilce Portacio.
Aujourd’hui, c’est au tour du numéro 75 de la collection d’être chroniqué, mettant en scène les X-Men : Murderworld, par Chris Claremont, Dave Cockrum, Brent Anderson et Michael Golden. Il est vendu au prix de 14.20€.
Nous vous recommandons une fois de plus de discuter avec votre libraire qui pourra vous mettre votre exemplaire de côté tous les quinze jours, ce qui assure également que la collection sera suivie dans son point de vente.
Avengers Annual #10 | Chris Claremont / Michael Golden / Armando Gil | 08/1981 | |
Uncanny X-Men #144 | Chris Claremont / Brent Anderson / Joe Rubinstein | 04/1981 | |
Uncanny X-Men #145 | Chris Claremont / Dave Cockrum / Joe Rubinstein | 05/1981 | |
Uncanny X-Men #146 | Chris Claremont / Dave Cockrum / Joe Rubinstein | 06/1981 | |
Uncanny X-Men #147 | Chris Claremont / Dave Cockrum / Joe Rubinstein | 07/1981 | |
Uncanny X-Men #148 | Chris Claremont / Dave Cockrum / Joe Rubinstein | 08/1981 | |
Uncanny X-Men #149 | Chris Claremont / Dave Cockrum / Joe Rubinstein | 09/1981 | |
Uncanny X-Men #150 | Chris Claremont / Dave Cockrum / Joe Rubinstein, Bob Wiacek | 10/1981 |
Du côté de l’édition, c’est toujours le même type d’album depuis le début de la collection en ce qui concerne le format et le papier. Pour ce numéro, l’impression de ce tome ne présente pas de souci particulier au niveau du rendu.
Concernant le numéro sur le dos de l’album, il s’agit du 7.
Comme pour tous les tomes précédents, l’album s’ouvre par une introduction désormais signée par un membre du Studio Makma. Dans ce numéro, il est question du passage de John Byrne à Dave Cockrum (avec un résumé de la contribution de ce dernier à l’univers des X-Men) ainsi que du contexte de l’annual Avengers.
L’album s’ouvre par un épisode assez particulier. Chris Claremont y met en effet la confrontation entre Cyclope et D’Spayre (Désespoir dans des VF antérieures) qui a pris l’apparence du père de Lee Forrester après l’avoir poussé au suicide. Oui, l’épisode n’est pas très gai, c’est même probablement une des histoires les plus sombres que l’on peut trouver sous la plume de Chris Claremont.
L’ambiance est en effet résolument horrifique, avec la présence de l’Homme chose et de D’Spayre qui torture Cyclope avec ses propres peurs. Pas de l’horreur graphique, mais plus une ambiance sombre « qui fait peur » héritée du deuil de Scott Summers et la mort de Jock Forrester qui est à l’origine de cette histoire. Mais ironiquement cet épisode est aussi l’étincelle qui permet à Cyclope de remonter la pente après la perte tragique de sa bien-aimée, dont le souvenir lui donne le courage de surmonter ses peurs. Lee Forrester prend très vite pas mal d’importance dans la vie de Scott Summers !
Côté dessin, nous retrouvons Brent Anderson qui est parfaitement à l’aise pour retranscrire cette ambiance horrifique. Le contexte est très bien mis en images, mais le graphisme reste aussi feutré que le scénario pour éviter d’en faire de trop : l’horreur est en effet principalement psychologique et ne repose pas sur de la projection de tripes sur les murs.
Après ce tour de chauffe, nous voici confrontés à un épisode particulièrement important : l’annual Avengers qui pose les bases du retour de Carol Danvers. On avait en effet perdu de vue la super-héroïne suite à son histoire avec un certain Marcus, on la retrouve ici totalement amnésique et sans pouvoirs après avoir croisé le chemin de Malicia.
C’est en effet dans cet épisode qu’il est établi que Malicia a volé les pouvoirs et les souvenirs de Carol Danvers, ne laissant qu’une coquille vide devant tout réapprendre. D’ailleurs cette scène n’est pas montrée, elle fera l’objet de flashbacks par la suite mais on ne voit pas ce combat qui a mal tourné. En fait, ce nouveau statu quo est un moyen bien pratique pour permettre à Chris Claremont de remettre à zéro un personnage totalement déconstruit et surtout le vrai sujet de l’annual est ailleurs.
Cet épisode tout en tension, avec des Avengers qui ont le plus grand mal à défaire une Confrérie des Mauvais mutants plus puissante qu’eux, réserve son lot de bagarres et le fan d’action sera aux anges. En effet, ça tape beaucoup et ça tape très très fort… mais ça aussi, ce n’est pas le vrai sujet de cette histoire.
Car en effet, le vrai sujet de cet annual survient à sa toute fin, avec toutefois quelques indices en flashback : le viol qu’a subi Carol Danvers de la part de Marcus, le fils d’Immortus. L’auteur n’utilise jamais le mot – mainstream, comics code authority tout ça… – mais il l’expose de façon tellement transparente que c’est tout à fait évident. C’est tout le talent de l’auteur d’avoir en apparence livré une énième baston des Avengers pour au final jeter au visage de ces derniers – et du lecteur – la vérité à propos de ce qui est arrivé à Carol Danvers sous leurs yeux. Cela fait de ce récit un moment particulièrement fort, dénonçant non seulement le viol en lui même mais aussi le comportement de ceux qui le prennent à la légère. Les Avengers ont merdé dans les grandes largeurs, n’ayant pas pu protéger Carol et devant maintenant subir le poids de la culpabilité associée à cet échec. Alors qu’un lecteur premier degré – ou jeune – verra dans cet annual une victoire des Avengers, c’est au contraire le récit d’une défaite particulièrement honteuse qui nous est proposé. Voilà le vrai sujet de cet épisode.
Côté dessin, le style de Michael Golden est tout simplement parfait pour mettre cette histoire en images. Qu’il s’agisse d’action ou de moment plus calmes, l’artiste signe des planches parfaitement en accord avec la teneur du récit.
On repart ensuite vers davantage de légèreté, Chris Claremont tâtant d’un concept auquel il n’avait pas trop touché jusque là : sur fond de super-héros, il nous avait en effet donné du space opera, du thriller, de l’horreur… et maintenant voilà qu’il nous livre son Mission Impossible ! L’histoire est simple mais efficace : les proches des X-Men ont été kidnappés, et les X-Men doivent délivrer Arcade qui est prisonnier du Dr Fatalis sinon ils mourront. Simple en apparence seulement, car bien entendu on se doute que dès que cette fouine sournoise d’Arcade est impliquée rien n’est facile !
Plutôt que de céder, les X-Men montent un plan justement très Mission Impossible : l’équipe titulaire va en apparence respecter les termes du contrat en se frottant à Fatalis – qui du coup leur fait le grand jeu comme pour les Quatre Fantastiques – tandis qu’une équipe « réserviste » va se livrer à une action commando contre Murderworld pour libérer les otages. L’objectif est double : s’assurer que les otages ressortiront bien sains et sauf de cette histoire et faire passer le message qu’on ne manipule pas les enfants de l’atome !
On retrouve donc une équipe constituée d’Iceberg, Polaris, Havok et Sean Cassidy (ex Hurleur qui joue ici au super espion). Cyclope aurait dû se joindre à la fête, mais il est occupé pour cause de fil rouge en cours de construction ! Et puis au moins ça permet à Havok de montrer ce qu’il a dans le ventre sans son frère dans les pattes.
L’histoire est menée tambour battant, avec une très bonne utilisation de l’équipe de réserve dans la première partie. Le concept d’équipe « bis » pour les coups durs est d’ailleurs très bien trouvé, c’est dommage qu’il n’ait pas forcément été réutilisé par la suite avant qu’il n’y ait finalement des équipes mutantes dans tous les coins. La seconde partie est plus classique, mais on sent en tout cas que l’auteur est super à l’aise pour livrer une histoire très agréable à lire.
Sur le plan graphique, Dave Cockrum livre des planches superbement dessinées. Le style très caractéristique de l’artiste fait des merveilles, et on se régale tout au long de cette histoire. On appréciera aussi quelques cases amusantes, qu’il s’agisse de montrer un Professeur Xavier totalement blasé (le gag était encore plus drôle avec la VF de Lug d’ailleurs) ou plus loin un Havok d’humeur taquine.
Puis on passe à un épisode de transition : il permet au fil rouge Cyclopéen de développer, l’ancien leader des X-Men se retrouvant naufragé avec Lee Forrester sur une île déserte, et de montrer les X-Men au calme. D’ailleurs c’est dans cet épisode qu’Angel, venu renforcer l’équipe depuis quelques temps, claque la porte des X-Men vu qu’il refuse de côtoyer Wolverine qu’il juge trop dangereux. C’est l’occasion de glisser un petit discours Claremontien sur la rédemption, qui sera d’ailleurs encore plus frappant par la suite.
Cyclope est donc perdu sur une île déserte, et se rapproche graduellement de Lee Forrester qui en plus connait son secret. En plus de cette île étrange, dont le fin mot appartient à une autre série, il y a un sacré cliffhanger quand nos naufragés découvrent l’identité de l’habitant de cette île.
Cet épisode marque aussi la première apparition du personnage de Caliban, le mutant détecteur de mutants que l’on retrouvera par la suite aux côtés des Morlocks. Alors qu’on pourrait initialement penser que c’est « juste » l’occasion d’un petit team-up entre Tornade, Shadowcat, Dazzler et Spider-Woman c’est aussi l’occasion de faire un discours pertinent sur la détresse liée à la solitude de ceux qui sont « différents ». De quoi donner matière à réfléchir à Kitty Pryde, qui était jusque là très distante avec Diablo.
Sur le plan du dessin, Dave Cockrum est tout aussi à l’aise pour les paysages étranges de l’ile des naufragés que pour le cadre urbain.
On passe ensuite à la première partie de l’arc qui clôture l’album, mettant en scène Magnéto. Le Professeur Xavier, inquiet de ne pas pouvoir joindre Cyclope, a déterminé que son vieil adversaire a joué un rôle dans ses difficultés à jouer à la standardiste télépathique d’un bout à l’autre du globe. Du coup le télépathe à roulettes, après une petite introspection bien pratique pour faire un petit rappel des hauts faits du maître du magnétisme, envoie les X-Men dans une chasse au dahu non pas pour trouver des comics destockés mais Magnéto qui doit bien se cacher quelque part.
L’épisode ne se déroule pas du tout comme on aurait pu le croire, car en fait les X-Men se retrouvent sur les lieux d’un ancien combat contre Magnéto en pleine Terre sauvage. Ils y feront une bien déplaisante rencontre, histoire là aussi de rappeler aux enfants de l’atome qu’une défaite de leurs ennemis peut avoir de lourdes conséquences. L’ambiance très angoissante de l’épisode est parfaitement dosée, avec une histoire pleine de moments prompts à faire sursauter le lecteur ! Et encore on ne parle pas du cliffhanger…
On va se répéter, mais une fois encore Dave Cockrum livre des planches de toute beauté… et s’est bien lâché sur les costumes !
Voilà, on y est : si l’album s’appelle Murderworld, ce ne sont pas les épisodes décrits plus hauts qui constituent le clou du spectacle mais bel et bien le cent cinquantième épisode des aventures des X-Men, qui pour le coup fait 39 pages ! (cela lui avait valu d’être coupé en deux chez Lug et en plus sur deux numéros différents, tristesse !)
Chris Claremont abat ses cartes dans cet épisode tout autant que Magnéto le fait face à un Cyclope dépourvu de pouvoirs et de surcroit reconnu par son ennemi. Magnéto souhaite donc établir son âge d’or des mutants à tout prix, la violence étant pour lui une façon de faire tout à fait acceptable. Cette violence se manifeste d’ailleurs de façon très visible lorsqu’il coule un sous-marin soviétique avec son équipage alors que ce dernier avait balancé des missiles sur le pied à terre du maître du magnétisme. Cette action restera une étape décisive dans l’évolution de Magnéto, car si ce dernier avait jusque là les attitudes « classiques » du tout venant des super-vilains il n’avait encore jamais agi avec une telle brutalité. Cela lui vaudra par la suite de comparaitre devant un tribunal, à la fois dans le deux centième épisode des aventures des X-Men (déjà paru dans cette collection) ou lors du face à face avec les Avengers (paru en collection « Carrefour »).
Mais si cet épisode marque une étape dans la brutalité de Magnéto, c’est aussi le point de départ de sa rédemption. Comme écrit plus haut, le thème est cher à Chris Claremont et il pose ici les bases de son évolution future en expliquant pourquoi il est ainsi. Les premières pistes sur son passé sont données ici, et l’auteur commence à montrer l’homme derrière le masque du super vilain au look improbable.
Cela vient tout de même après un épisode plein d’action avec un combat acharné entre les X-Men et leur ennemi de toujours. 150 épisodes, ça se marque quand même et le lecteur ne sera pas déçu avec une histoire passionnante avec même une petite note d’humour pour la fin.
Graphiquement parlant, Dave Cockrum est en forme olympique et livre une fois encore une prestation de toute beauté. Outre des compositions très travaillées (vous pouvez le constater ci-dessous), l’artiste croque à merveille ses personnages et est parfaitement à l’aise pour les scènes d’action.
Côté bonus, nous avons droit à une planche non colorisée ainsi qu’à du rédactionnel sur les personnages apparaissant dans l’album.
On redonne un coup d’accélérateur vers les années 2000 avec le prochain numéro, intitulé Prélude à la destruction. Rendez-vous dans quinze jours !
Retrouvez nos chroniques sur les tomes précédents de X-Men : La collection mutante :
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Les geeks les plus aguerris se rendront compte de l’amour qu’avait le grand Cockrum pour la SF des 50’s et 60’s:
Le site souterrain de l’île de Magnéto est un hommage à la ville souterraine de Planète Interdite, chef d’œuvre de 1956 adaptant à la sauce SF La Tempête de Shakespeare.
Par contre, aussi doué soit il, je trouve que l’encrage de Rubinstein desservait ici les dessins de Cockrum, leur faisant perdre de leur finesse.
Mais ce n’est qu’une opinion personnelle.
Bien vu !