Le lundi c’est librairie !
Aujourd’hui, nous vous proposons la chronique de 4 albums.
Au programme :
- Solo : Lyra (Delcourt Comics)
- Sin City tome 5 : Valeurs familiales (Huginn & Muninn)
- Hotell tome 2 (Black River)
- Arca, ou la nouvelle Eden (404 Graphic)
Chaque lundi, nous vous proposons dans notre rubrique Le lundi c’est librairie ! la chronique de titres parus en librairie. Il peut tout aussi bien y avoir des titres très récents ou des avant-premières que des albums sortis moins récemment.
Si vous suivez notre actualité sur les réseaux sociaux, vous savez probablement que nous avons été durement éprouvés au cours des dernières semaines suite à un souci de santé conséquent de l’auteur de ces lignes. Après une longue pause toute à fait imprévue, voici donc le retour de notre chronique en espérant que d’autres péripéties ne viendront pas contrarier sa régularité !
Solo : Lyra
La jeune Lyra est poussée par les circonstances à voyager avec son frère aîné, sans but précis, simplement pour s'éloigner de l'endroit impitoyable où leur vie a sombré. En chemin, ils rencontrent un être exceptionnel qui consacre sa vie à trouver des solutions aux grands problèmes. Pour l'aider, ils se lancent dans une aventure dangereuse et suicidaire dans un lieu sordide et despotique dont ils ignorent tout...
- Éditeur : Delcourt Comics
- Collection : Contrebande
- Prix : 15.50€
- Date de sortie : 24/01/2024
- Format : Couverture cartonnée
- Auteur(s) : Oscar Martin / Leonel Castellani
- EAN : 9782413080145
Oscar Martin nous montre en effet les aventures d’un personnage dont la vie est pour le moins compliquée : au sein d’un groupe dont les mâles partent pour chercher de nouvelles ressources, elle doit en outre s’occuper de sa mère qui est dans un état de santé précaire et de son frère qui souffre de déficiences mentales. Déjà que l’univers de Solo est compliqué, on peut dire que Lyra n’est pas gâtée !
Le cadre de Lyra change assez rapidement, et elle va vivre des aventures pleines de rebondissements dans ce mode de désolation où la violence est la norme. Chaque rebondissement sera presque inévitablement accompagné d’une tragédie, Lyra semblant être un personnage maudit dont chaque pas semble l’emmener vers plus de noirceur.
Ce nouvel album de l’univers de Solo est dans la lignée des précédents en ce qui concerne l’ambiance : Oscar Martin conserve ce climat malsain d’un monde où les différentes factions ne semblent avoir comme destinée que d’entrer en conflit les unes avec les autres. La notion même d’espoir est un vain mot dans cet univers de désolation, où chaque rencontre peut être synonyme de mort violente.
Depuis son premier tome, l’univers de Solo fascine autant qu’il déprime. Ce n’est en effet pas forcément un livre à livre quand on n’a pas le moral, ou alors pour se convaincre qu’il y a pire que son propre quotidien (mais Oscar Martin a tout de même mis les curseurs très haut) !
Solo : Lyra est un album passionnant, avec un côté poignant tout à fait remarquable. L’auteur fait en effet ressentir au lecteur tous les coups du sorts subis par l’héroïne du récit, on souffre avec elle de chaque tragédie qui lui tombe dessus. Il y a en outre de très bonnes trouvailles, avec un concept qui fonctionne toujours aussi bien. Après cela fait quelques tomes qu’il est étrange de voir cohabiter sans explication des animaux anthropomorphes et des humains qui communiquent sans le moindre souci – linguistique bien sûr – mais on s’y fait vite.
Si vous avez aimé les tomes précédents des différentes séries Solo, celui-ci vous séduira à coup sûr : non seulement on reste dans la même lignée, mais en plus il est particulièrement intéressant de par le tragique destin d’un personnage dont on peut se dire que chaque jour sera pire que le précédent. Lyra est un véritable personnage tragique, faisant preuve d’une remarquable force de caractère vis-à-vis de tout ce qu’elle subit.
La partie graphique de l’album a quant à elle été confiée à Leonel Castellani qui signe des planches de toute beauté. Toute la désolation de l’univers de Solo est parfaitement mise en scène dans les pages de cet album, et les personnages bénéficient d’une représentation soignée. A noter que comme dans les albums précédents, il y a quelques cases qui malmèneront les estomacs sensibles…
Un excellent album, mettant en scène une héroïne attachante dans un univers de désolation toujours aussi efficace
Sin City tome 5 : Valeurs familiales
- Éditeur : Huginn & Muninn
- Prix : 16.00€
- Date de sortie : 19/01/2024
- Format : Couverture cartonnée, 136 pages
- Auteur(s) : Frank Miller
- EAN : 9782364809253
En compagnie de l’implacable Miho, aussi mortelle que silencieuse, Dwight mène une enquête qui est au début assez obscure. Frank Miller joue en effet avec le lecteur, en ne lui dévoilant que des bribes d’intrigues tandis qu’il suit les (mes)aventures du personnage au fil des pages. On se demande au début ce qu’il en est exactement, puis la vérité apparait de façon plus en plus marquée jusqu’à être entièrement dévoilée de façon brutale.
Brutale, c’est aussi un adjectif qui colle bien à cette histoire. Sin City n’a jamais fait dans la dentelle depuis son premier tome, et ce cinquième album ne fait pas exception à cette règle édictée par Frank Miller lorsqu’il orchestre les aventures de ses personnages. L’atmosphère est âpre et violente, avec une succession de rebondissements prompts à couper le souffle d’un lecteur envoûté par une narration d’une efficacité toujours aussi redoutable.
L’auteur connait en effet bien son affaire, et sait parfaitement comment captiver le lecteur grâce à une recette éprouvée qui fonctionne toujours aussi bien. Ceci dit, ce n’est pas parce qu’on parle de recette qu’il faille redouter une redite par rapport aux histoires précédentes : nous sommes en effet dans une intrigue tout à fait originale qui ne lorgne pas vers celles qui ont précédé, et si on retrouve les codes de cette ville sans foi ni loi et des personnages déjà croisés Frank Miller est toujours aussi habile pour construire son histoire.
En outre, ce cinquième tome de Sin City est non seulement passionnant mais dispose d’une structure quelque peu différente dans la construction de son intrigue. Comme précisé plus haut, l’auteur joue la carte du mystère et ça fonctionne vraiment très bien. On peut se sentir quelque peu baladé par cette histoire dont on n’obtient tous les tenants et aboutissants que tardivement, mais le talent de l’auteur permet d’éviter la frustration.
Nous avons donc à nouveau droit à une histoire très intéressante, faisant largement appel à l’action mais ne négligeant pas ce qui se passe dans la tête des personnages. L’atmosphère est pesante, l’ambiance est résolument sombre et une fois encore les personnages semblent écrasés par le poids d’une lourde destinée orchestrée par un auteur livrant un récit sans concession.
Sur le plan du dessin, Frank Miller se surpasse une nouvelle fois pour livrer des planches à la construction impeccable. L’art séquentiel est ici poussé dans ses retranchements tandis que l’artiste utilise d’une multitude d’artifices pour livrer une narration graphique qui est un modèle du genre. A noter un parti pris esthétique très original autour du personnage de Miho, qui apparait comme un être éthéré à chaque case : cette idée est originale et donne un statut tout à fait à part à ce personnage hors norme.
Côté bonus, comme à l’accoutumée une introduction très intéressante ouvre cet ouvrage et apporte une multitude d’informations utiles sur l’histoire qui y figure.
Un excellent album, où le lecteur peut profiter d’une histoire passionnante, dure et sans concession.
Hotell tome 2
Inscrivez-vous au registre et croisez les doigts...
Cinq histoires interconnectées racontent une autre semaine éprouvante à Pierrot Courts, le mystérieux motel en bordure de route où les âmes perdues mènent leur ultime combat contre les démons qui les hantent.
Une famille, désespérée et démunie après avoir été expulsée de sa maison. Un artiste torturé, en quête d'inspiration. Un vieux garçon s'occupant de son chien bien-aimé tombé malade. Un gang de motards brutaux, à la recherche d'une des leurs qui en cavale... Lorsque toutes ces âmes hantées se présenteront aux Pierrot Courts, qui survivra pour rendre sa clef et partir ?
- Éditeur : Black River
- Prix : 16.90€
- Date de sortie : 08/02/2024
- Format : Couverture cartonnée, 120 pages
- Auteur(s) : John Lees / Dalibor Talajic
- EAN : 9782384260539
John Lees avait en effet des choses à raconter au sujet de cet endroit mystérieux, où il se passe de bien étranges choses. Le non moins mystérieux aubergiste Jack Lynch fait une nouvelle fois office de lien entre les différentes histoires, à travers sa narration d’une fable qui n’est pas sans rapport avec ce qui est raconté.
Le concept de Hotell reste le même : une suite de récits horrifiques ayant comme cadre le Pierrot Courts, semblant assez déconnectés de prime abord mais qui sont finalement tout à fait reliés entre eux. Encore que si le lien était parfois assez ténu dans le premier tome, dans ce second album l’interconnexion est bien plus prononcée et l’ultime récit sert même de point de convergence à tout ce que nous avons lu.
Horrifique est un terme qui correspond tout à fait à Hotell, car l’ambiance est résolument effrayante : on croise dans ces différentes histoires des créatures étranges et terrifiantes, mais aussi le lieu même de ces récits est emprunt d’une atmosphère tout à fait angoissante. Chaque fissure du Pierrot Court semble renfermer un secret, chaque son pourrait avoir une origine sinistre dissimulée dans le moindre recoin d’ombre de ce lieu hors norme.
John Lees nous en apprend davantage sur l’univers qu’il a créé, en faisant des révélations sur certains secrets de son motel infernal. Ce n’est pas pour autant qu’il nous en livre toutes les clefs, il reste encore pas mal de mystères non élucidés mais ils ne sont pas de nature frustrante. Au contraire, ils stimulent même encore davantage l’imaginaire du lecteur que s’ils étaient totalement décrits, lui laissant une certaine marge de manœuvre pour trouver certaines explications manquantes.
Une fois encore, si le contexte horrifique est indiscutablement lié à l’endroit où se déroulent les histoires et aux créatures terrifiantes qui le hantent il y a pas mal de choses qui prennent racine au sein des personnages eux mêmes. Le motel agit alors comme un prisme qui amplifie la noirceur que chacun recèle, et on peut dire que rien n’arrive par hasard.
Ce second tome est encore plus réussi que le premier, ne serait-ce que par ce lien plus resserré entre les différentes histoires. L’immersion est immédiate et on se prend vite au jeu en lisant ce qui nous est raconté. Bien entendu, le contexte horrifique disqualifie cet album pour tout lecteur impressionné par ce genre d’histoires – et pour l’avoir testé, c’est bien plus flippant le soir que dans le bus la journée – mais si vous n’êtes pas rebutés par ce genre d’atmosphère c’est une lecture qui vous plaira.
La partie graphique, assurée par Dalibor Talajic, est de son côté tout à fait réussie. L’artiste a parfaitement capté l’essence des différentes histoires pour en livrer une représentation graphique très pertinente, et le côté angoissant est très bien rendu. Bien entendu, comme dans le premier tome il y a des cases particulièrement goutues donc les estomacs sensibles ne sont pas conviés à lire ce nouvel album.
Côté bonus, le sommaire de l’album est complété par un mot de l’auteur et de l’artiste.
Un excellent album, dont le concept fonctionne parfaitement pour nous offrir des histoires à la fois passionnantes et effrayantes.
Arca, ou la nouvelle Eden
- Éditeur : 404 Graphic
- Prix : 22.00€
- Date de sortie : 07/03/2024
- Format : Couverture cartonnée, 192 pages
- Auteur(s) : Van Jensen / Jesse Lonergan
- EAN : 9791032408018
C’est en effet ce que nous raconte Arca, ou la nouvelle Eden dont le sujet est en apparence assez simple : après qu’elle ait bien bousillé la Terre – comme c’est le cas dans la vraie vie de tous les jours – l’Humanité part dans l’espace en quête d’un nouveau monde à bousill… heu à coloniser.
Van Jensen nous raconte une histoire qui semble assez classique de prime abord : il commence en effet par décrire la vie à bord de l’Arca – le vaisseau qui sert d’Arche à l’Humanité – à travers le personnage de Perséphone qui fait partie des serviteurs qui travaillent à bord de l’immense vaisseau. Car en effet il apparait immédiatement qu’il y a une séparation très marquée entre les différentes « classes » de personnages : il y a en effet un groupe qui tient les rênes de cette expédition dont ils sont à l’origine, et toute une flopée de serviteurs qui ont pour seule mission de les servir. Le tout avec un folklore associé au cadre de l’expédition, rendant ainsi un hommage permanent à celles et ceux qui ont rendu possible cette évasion d’un monde mourant.
Mais pourquoi « de prime abord » ? Et bien parce que l’histoire n’est pas aussi simple qu’elle le parait. Tout d’abord, il y a un vernis d’esclavagisme qui est tout à fait perceptible et ce n’est pas quelque chose de bien joli. Ensuite on se rend compte que les serviteurs, à qui on fait miroiter une mystérieuse certification, sont volontairement maintenus dans une situation qui est bien pratique pour ceux qu’ils servent. Enfin, il y a une certaine couche de mystère qui apparait au début assez subtilement avant de devenir de plus en plus visible.
Arca, ou la nouvelle Eden est un album intéressant à plus d’un titre : non seulement son intrigue est d’une efficacité redoutable, mais il traite aussi de sujets écologiques tout à fait contemporains à travers le prisme de la science fiction. Après tout, au train où nous saccageons notre planète il est clair que le cadre de cette histoire devient de plus proche de ce qui nous pend au nez dans un avenir de moins en moins lointain ! Il y a aussi d’autres choses qui sont assez actuelles dans les thématiques, mais nous resterons vagues pour ne pas faire de spoiler.
Riche en rebondissements et en retournements de situation – dont un se grille par contre assez tôt – cet album est passionnant et se dévore davantage qu’il ne se lit. L’intrigue est captivante, et le lecteur se verra happé dès la première page dans un récit qui capturera toute son attention jusqu’à son ultime case.
Côté dessin, le style de Jesse Lonergan peut surprendre avec un côté « indé » très marqué mais il colle tout à fait à l’ambiance de l’histoire. Le cadre est parfaitement rendu, et on ressent l’atmosphère oppressante de cette expédition pas comme les autres.
Côté bonus, nous avons droit en ouverture de livre à une présentation des personnages et de la hiérarchie qui règne à bord de l’Arca. En fin d’ouvrage, le sommaire est complété par des recherches de personnages et de décors, des essais de couvertures et à une démonstration du processus de création partant du scénario pour arriver à la planche.
Un excellent album, dont le propos très pertinent montre un avenir fictionnel qui pourrait très bien devenir une réalité.
C’est tout pour aujourd’hui !
Le lundi c’est librairie ! vous donne rendez-vous lundi prochain pour une nouvelle chronique.
Le sommaire de la prochaine chronique sera consacré à un ou plusieurs albums, rendez-vous la semaine prochaine !
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