Le lundi c’est librairie !
Trois albums sont au programme aujourd’hui :
- Alienated (Hi Comics)
- The Old Guard (Glénat Comics)
- Shanghai Red (Hi Comics)
Alienated | ||
Hi Comics 160 pages – 17.90€ Simon Spurrier |
Que faire du pouvoir de changer le monde si nous ne sommes pas prêts à l’utiliser ? Samuel, Samantha et Samir, tous trois un peu à la marge, chacun à sa façon, voient leur destin basculer quand ils découvrent une entité extraterrestre s’éveillant à la vie. Liés par le secret et connectés par les pouvoirs incroyables de cette créature, plus rien ne leur semble hors de portée pour la première fois. Mais ils ne tardent pas à comprendre que leur nouveau compagnon – si attachant au premier abord – est un futur prédateur en quête de proies… D’abord guidés par les meilleures intentions, les trois adolescents plongent rapidement dans une spirale toxique de jalousies, de vengeances et d’erreurs funestes. Simon Spurrier (John Constantine Hellblazer, Coda) et Chris Wildgoose (Batgirl, Batman: Nightwalker) livrent un récit initiatique délicat et subversif d’une justesse remarquable.
Trois adolescents qui découvrent un extra-terrestre, ça peut donner des résultats bien moins sympathiques que ce qu’on pourrait imaginer de prime abord.
C’est en effet le propos de Simon Spurrier, qui raconte comment trois adolescents très différents (mais qui sont « trois Sam » : Samuel, Samantha, Samir) se retrouvent liés par leur rencontre avec un être venu d’ailleurs. Cette rencontre leur donne en effet des pouvoirs, qu’ils n’ont pas forcément la maturité pour utiliser.
L’auteur dresse le portrait de trois jeunes en marge des autres adolescents de leur âge : l’un d’entre eux est un révolté en quête de reconnaissance, la seconde est en retrait pour des raisons qui sont exposées au fil du récit tandis que le troisième est prêt à tout pour s’attirer la sympathie des autres suite à une blessure familiale elle aussi exposée ultérieurement.
A travers ce portrait et en utilisant le prisme de la science-fiction, Simon Spurrier livre également le portrait très actuel d’une génération obnubilée par un besoin « d’exister » à travers les médias (internet notamment) ou tout simplement auprès des autres en n’étant pas simplement « transparents ». L’histoire est dure, on ressent vraiment la hargne et la rage de l’un des trois Sam et dans un contexte plus réaliste on ne peut que penser à des jeunes qui ont sauté le pas et fini par basculer dans la violence la plus extrême.
Alienated fait partie de ces récits qui interrogent autant le lecteur sur sa propre condition que sur celle de ses personnages, lui faisant se demander si ce qu’il lit n’est pas quelque par un reflet de ce qu’il peut ressentir lui aussi. Il y a en outre une véritable montée en puissance au fil des pages tandis que la situation ne cesse de déraper, jusqu’à un final très surprenant mais terriblement logique.
L’album est passionnant, tout en étant un véritable coup de poing dans l’estomac du lecteur. Cette hargne et ce désespoir que ressentent les personnages, l’auteur arrive à nous les faire ressentir grâce à une écriture maîtrisée et une narration efficace. On pourra apprécier que l’auteur n’en fasse jamais de trop, ne versant à aucun moment dans la larmichette ou le pathos. C’est un délicat équilibre qui est trouvé, qui fonctionne parfaitement et rend la lecture passionnante.
La partie graphique est signée Chris Wildgoose, qui nous livre des planches très joliment dessinées. Sa mise en page est par ailleurs très travaillée, avec des planches dont la narration est très bien étudiée. Il est aussi très bien qu’à aucun moment l’artiste ne tombe dans la facilité en livrant plus de gore ou de violence graphique que nécessaire.
Côté bonus, nous avons droit à une galerie d’illustrations et de recherches.
Un excellent album, avec une histoire dure qui fait appel à des thématiques très actuelles.
Retrouvez notre chronique de Alienated dans notre rubrique Fan(tastik) Comics.
The Old Guard – Tome 2 | ||
Glénat Comics 168 pages – 17.50€ Greg Rucka |
L’erreur est humaine. La répéter est diabolique. En 6 700 années de tours de calendriers, Andy a pu en voir, du pays. C’est sûr que l’immortalité, ça laisse le temps de voyager, d’expérimenter et, dans le cas d’Andy, de souvent faire la guerre… Au fil des années, les morts se sont accumulées et la culpabilité pèse de plus en plus lourd. Évidemment, rien ne s’arrange quand le fantôme d’un lointain passé revient un jour vous hanter en chair et en os. Dans ces conditions, difficile de prendre le temps d’analyser sa psyché profonde, d’autant que rien ne s’arrange avec ses coéquipiers, entre un Booker évaporé et une Nile, trop jeune pour saisir les enjeux de sa nouvelle condition d’immortelle…
Après un excellent premier tome, nous retrouvons les mercenaires immortels qui voient leur situation se compliquer davantage.
Greg Rucka fait en effet intervenir un nouveau personnage qui va considérablement pourrir la vie d’Andy et de ses compagnons immortels. Leur condition d’immortels (ou du moins de personnes qui mourront sans savoir quand) est d’ailleurs une nouvelle fois au cœur de l’intrigue, l’auteur la montrant une nouvelle fois comme davantage une malédiction qu’une bénédiction.
Parce qu’après tout on peut se dire que c’est super de vivre éternellement et survivre à tout, mais que devient-on lorsqu’on perd tous ceux qu’on aime et que l’on ne cesse de mourir – parfois dans des conditions atroces – en revenant à chaque fois et sans jamais être délivré par la mort ? En y réfléchissant bien, c’est davantage un fardeau qu’un cadeau !
Quand on connait le travail de Greg Rucka, on sait qu’on peut lui faire confiance pour soigner ses caractérisations et signer des portraits de femmes fortes particulièrement bien faits. C’est une nouvelle fois le cas dans cet album, qui enrichit la mythologie de la série avec un nouveau personnage mais aussi avec des éléments supplémentaires sur le passé de ceux qui étaient déjà présents dans le premier tome.
Ce second volet est captivant, avec une excellente exploitation du concept de départ. On peut apprécier aussi que même si l’action a une belle part on ne ressent pas forcément une ambiance de « L’agence tous risques à la sauce Highlander ». Greg Rucka s’attarde en effet pas mal sur la psychologie des personnages et sur ce que leur immortalité à fait d’eux. C’est malin, bien écrit et plein de rebondissements. En outre le dénouement du second album offre une symétrie assez surprenante – et bien vue – avec celui du premier, et ouvre des perspectives intéressantes pour la suite.
Exploitant intelligemment le concept de l’immortalité associé à la nature guerrière inhérente à l’humanité, The Old Guard reste une série passionnante dans ce second tome. Un troisième et dernier volet est prévu, la lecture de cet album rend impatient de le découvrir !
Le dessin est quant à lui assuré par Leandro Fernandez, dont le style convient parfaitement à l’ambiance de l’histoire. La mise en page est soignée, et les scènes d’action sont dynamiques et bien rendues.
Un excellent tome, qui traite toujours aussi efficacement la thématique de l’immortalité.
Shanghai Red | ||
Hi Comics 160 pages – 17.90€ Christopher Sebela |
XIXe siècle, Portland, Oregon. Red n’a jamais eu peur de travailler dur. Depuis l’enfance, elle endosse les responsabilités et l’apparence d’un homme pour subvenir aux besoins de sa famille. Mais le plus cruel restait à venir : droguée et kidnappée, elle est enrôlée de force sur un navire en partance pour Shanghai, comme tant d’autres à cette époque. Des années de servitude en mer qui se soldent par une rébellion sanglante, et le désir implacable de se venger de ceux qui l’ont arrachée à sa famille.
De retour à Portland, Red n’a qu’une obsession : retrouver les siens et traquer les hommes qui l’ont vendue. Des bas-fonds de la ville et ses souterrains secrets à la corruption des hautes sphères, Red fait couler le sang, dans une quête de vengeance et d’identité qui la changera à jamais.
Dans cet album, nous découvrons une histoire basé sur des légendes urbains autour de trafiquants d’êtres humains : les shangaieurs.
Christopher Sebela se sert de ces récits comme base pour construire son histoire, celle d’une femme qui a été enlevée et revient pour exercer une vengeance implacable. Mais Shanghai Red va beaucoup plus loin qu’une simple histoire de vengeance, en livrant une vision sans concession de la condition des femmes au XIXe siècle.
D’ailleurs il est à noter que l’auteur est parfaitement conscient qu’il n’adapte pas forcément un contexte parfaitement exact sur les enlèvements de marins mais son histoire n’en reste pas moins bien ficelée. En outre, n’oublions pas que dans un autre registre Alan Moore a adapté une théorie sur Jack l’Eventreur dans From Hell en la sachant fausse, mais cela ne l’a pas empêché de livrer une œuvre magistrale davantage axé sur la société de l’époque. C’est un peu la même approche qui est employée dans Shanghai Red, et cela fonctionne tout aussi bien.
Nous suivons donc le personnage de Red, qui pour subvenir aux besoin de sa famille se fait passer pour un homme afin de faire des métiers qui lui seraient sinon fermés (c’est d’ailleurs ce qui lui vaut d’être enlevée, car on l’a prise pour un homme). L’auteur dresse un portrait peu flatteur (mais tout à fait véridique) de cette époque, tout en détaillant la complexité de la psychologie de son personnage principal.
Car cette nécessité pour Red d’adopter un rôle masculin va bien au-delà d’un simple changement de vêtements, il y a toute une dimension psychologique que Christopher Sebela traite très bien sans en faire de trop non plus. Le côté tragique de cette histoire est parfaitement rendu, dans une ambiance âpre qui ne laisse pas le lecteur indemne.
Cet album est passionnant, avec une construction bien pensée et un rythme bien dosé. Dès la première page, la spirale implacable des événements qui jalonnent le récit happe le lecteur et non seulement ne le lâchera pas avant la fin de la lecture mais continuera de le hanter une fois le livre refermé.
Le graphisme de l’album est assuré par Joshua Hixson sont le style restitue parfaitement le côté âpre de l’histoire. Les dessins ont une patine sombre, l’impression étant renforcée par la colorisation qui est tout à fait adaptée pour restituer l’ambiance de cette histoire tragique.
Côté bonus, le sommaire de l’album est complété par une galerie d’illustrations ainsi que des recherches graphiques et un texte de l’équipe c créative sur les coulisses de l’œuvre.
Un excellent album, où le contexte historique de cette époque est mis au service d’un récit implacable.
C’est tout pour aujourd’hui !
Le lundi c’est librairie ! vous donne rendez-vous lundi prochain pour une nouvelle chronique.
Le programme de lundi prochain sera un peu spécial et parlera de deux albums, à la semaine prochaine ! 🙂
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