Le lundi c’est librairie ! vous propose aujourd’hui la chronique de cinq titres édités par Glénat Comics, dont un en avant-première.
Au programme : Dans l’antre de la pénitence, Juste un peu de cendres, Lady Mechanika t4, Shutter t1 et Nailbiter t4.
Dans l’antre de la pénitence | |
Glénat Comics 192 pages – 19.95€ Peter J Tomasi |
One shot
Qui, de la maîtresse ou de la maison, est véritablement possédée ?
1905, San José en Californie. Suite à la perte de son mari et de sa fille, Sarah Winchester se lance dans la construction compulsive de la « Winchester House » : une demeure aussi étrange que démesurée. Un chantier perpétuellement troublé par les lubies de sa commanditaire, qui réveille ses domestiques en pleine nuit, ou ordonne à ses ouvriers de construire des portes et des escaliers ne menant nulle part. On la prétend folle, hantée par les esprits de ses proches disparus. Mais le jour où un étranger fait son apparition sur le pas de sa porte, les démons de Sarah pourraient bien devenir réels…
L’inspiration pour une bande dessinée est parfois là où on ne l’attend pas, et c’est précisément le cas de cet album qui s’appuie sur une curiosité Américaine très connue dans ce pays.
Peter J Tomasi s’inspire donc des circonstances étranges de la construction de la maison Winchester, située sur la côte Ouest des Etats Unis. Partant de cette histoire insolite, l’auteur nous emmène au coeur de la construction de la demeure de Sarah Winchester dans un récit où la folie côtoie l’horreur.
L’ambiance de cette histoire est très étrange, l’auteur articulant son récit autour d’un nouvel arrivant qui s’avère être aussi perdu que le lecteur. C’est l’occasion de dévoiler progressivement ce qu’il en est réellement, de révéler ce qui se cache derrière cette construction insensée et à quoi rime le comportement très bizarre de Sarah Winchester. Pour ne pas faire de spoiler, je ne vous en dirai pas plus sur ce qu’il en est vraiment, mais sachez que l’auteur n’a pas fait les choses à moitié pour faire perdre ses repères au lecteur tout en s’appuyant sur des éléments historiques. Une fois qu’on a refermé le livre, il est clair qu’on peut se demander si tout ceci n’aurait pas un fond de vérité après tout…
Dans ce récit horrifique où la folie tient sa place, Peter J Tomasi dresse également le portrait d’une époque avec notamment les agissements des ouvriers employés sur ce chantier pharaonique. On retrouve ainsi des comportements tout à fait en adéquation avec ce qui pouvait se produire à l’époque, et ce même sans le cadre horrifique de l’histoire. En tout cas, tout ceci est fort intéressant et on ne ressort pas indemne d’un tel voyage où la tolérance du lecteur à la folie est mise à rude épreuve.
Côté graphisme, cet album sort également de l’ordinaire. Le style de Ian Bertram donne en effet corps à ce voyage aux confins de la folie, rendant presque palpable cette dernière. Les dessins sont parfois un peu déconcertants, car il peut être malaisé de discerner le réel de ce qui ne l’est pas, mais il est clair que cette représentation est tout à fait dans l’esprit de l’histoire. Le style est toutefois un peu déconcertant, donc je ne saurais trop vous recommander de feuilleter cet album avant de vous décider à l’acheter.
Le sommaire de l’album est complété par un carnet de croquis de Iam Bertram, qui permet de voir l’évolution du graphisme de l’histoire.
Un très bon album, qui emmène le lecteur dans un univers d’horreur et de folie.
Juste un peu de cendres | |
Glénat Comics 128 pages – 17.95€ Thomas Day |
Le monde est en danger. Problème : ils sont les seuls à le voir…
Ashley Torrance, dix-sept ans, a un secret. Elle voit des choses dont les autres n’ont pas conscience. De ses yeux vairons, elle peut déceler la véritable nature de certains individus. Derrière leur apparence humaine se cachent des êtres effrayants liés entre eux par des filins de cendre et comme habités par un feu obscur. Qui sont ces monstres et quel est leur but ? Sur internet, Ash rencontre Bruce et Sunny, des jeunes gens qui partagent le même pouvoir. Ensemble, ils décident de prendre la route pour retrouver un dénommé Pilgrim. Le seul qui semble savoir la vérité.
Oeuvre originale et non adaptation d’une BD Américaine (label Original Graphic Novel), cet album sort des sentiers battus. En effet, outre son graphisme qui ne ressemble pas à ce qu’on a l’habitude de voir (mais j’y reviendrai plus bas), cet album donne une place prédominante au texte. En fait, cela ferait même presque davantage penser à un roman illustré qu’à un album de bande-dessinée au sens strict du terme.
Thomas Day signe ici une histoire plutôt intéressante, mettant en scène de drôles de créatures que seules les personnes ayant un regard particulier (yeux pers ou vairons) peuvent voir tandis qu’elles sont cachées aux yeux de tous. Le concept est original, et l’explication de tout ceci est très recherchée.
Cet album n’est cependant pas exempt de défauts : en effet, le traitement de tout ceci est un peu rapide. On saute parfois du coq à l’âne, donnant même l’impression d’une histoire qui défile en avance rapide, ou en tout cas de n’effleurer que la surface des choses (un comble vu le sujet de l’histoire). Cela reste en tout cas une lecture agréable, même si on referme l’album avec un sentiment de trop peu, à la limite du « tout ça pour ça ». Peut être que cette histoire aurait mérité un tome supplémentaire, histoire de creuser un peu tout ça.
Le dessin de l’album, signé Aurélien Police, est assez surprenant : en effet il ne s’agit pas d’une représentation classique avec des cases sagement mises en page sur les planches. Il s’agit le plus souvent d’illustrations de grande taille, avec un texte omniprésent et des vignettes pour illustrer l’action. Par ailleurs, l’artiste a composé le fond de ses planches par dessus des reproduction de cendres, ce qui contribue à donner un cachet surnaturel qui colle très bien à l’histoire. En tout cas, cette représentation graphique qui sort des sentiers battus est très bien pensée et donne vie à l’histoire en respectant son ambiance sombre.
Un cahier bonus complète le sommaire de l’album : outre un entretien avec l’équipe créative sur leur oeuvre, il y a également une présentation par Aurélien Police de son travail sur le graphisme de l’album. Cette partie est vraiment très intéressante, en montrant les techniques employées par l’artiste pour illustrer cette histoire.
Un bon album, mais dont l’histoire est traitée un peu rapidement. Mention spéciale à son graphisme original !
Lady Mechanika tome 4 | |
Glénat Comics 144 pages – 14.95€ Marcia Chen / Joe Benitez |
La pulpeuse Lady Mechanika revient pour deux nouvelles aventures !
Dans Les Garçons perdus de West Abbey, Lady Mechanika enquête sur la mort d’enfants « indésirables » à Mechanika City. Une affaire qui lui provoque de douloureuses visions. S’agit-il de souvenirs qui refont surface après tant d’années, ou de simples cauchemars ?
Dans La Dama de la Muerte, Lady Mechanika part en voyage dans un petit village au Mexique au moment de la fête des morts. Mais les festivités deviennent littéralement mortelles lorsque survient un mythique démons des cavaliers de l’Apocalypse !
La première histoire de cet album, écrite par Marcia Chen, est sommes toutes assez classique dans l’univers de Lady Mechanika : on retrouve notre intrépide aventurière dans une quête qui l’amène sur la piste de ses origines mystérieuses, le tout dans une ambiance de science à la sauce steampunk matinée de mysticisme. Tout ceci est vraiment très réussi, Lady Mechanika et son entourage étant très bien caractérisés au sein d’une intrigue qui dévoile certes ses mystères assez rapidement (on devine très vite ce qu’il va se produire à la fin de l’histoire) mais qui s’avère très efficace.
L’histoire est passionnante, avec des rebondissements à la pelle et surtout des allusions aux origines de l’aventurière. Il faut espérer que contrairement à d’autres personnages au passé mystérieux des comics (comme Wolverine par exemple) une certaine aura de mystère continuera à auréoler Lady Mechanika, car je pense qu’il serait dommage de tout dévoiler : le mystère fait partie de l’identité du personnage, qui serait beaucoup plus ordinaire une fois que toutes les questions auraient trouvé une réponse.
Le graphisme de cette première partie est tout aussi classique que son histoire : pas de surprises donc, mais cela reste toujours aussi agréable à regarder. L’univers steampunk de Lady Mechanika donne lieu à des dessins magnifiquement réalisés, avec des adversaires qui sortent de l’ordinaire.
La seconde partie de l’album est par contre plus inhabituelle. Co-signée Joe Benitez et Marcia Chen, l’histoire puise dans le folklore Mexicain autour de la célébration de la fête des morts. On trouve ici une héroïne plus dure qu’à l’accoutumée, plus prompte à servir une justice expéditive. Certes, c’est une tueuse et on le sait, mais l’ambiance de l’histoire est plus brutale et tranche radicalement avec le premier récit.
Malgré le côté steampunk toujours au coeur de l’univers de Lady Mechanika, on se retrouve en tout cas davantage dans une ambiance de western avec l’intrépide aventurière qui joue le rôle du personnage qui débarque au sein d’un conflit et qui joue un rôle actif à sa résolution. C’est bien pensé, et surtout bien ficelé. Le personnage n’est pas montré sous son jour le plus sympathique, mais cela colle parfaitement avec l’ambiance de l’histoire et vu les adversaires qu’elle affronte il est clair qu’elle ne doit pas faire dans la dentelle.
Du côté du dessin, là aussi on sort de ce qu’on a l’habitude de voir quand on suit les aventures de Lady Mechanika. Certes, le thème de l’histoire implique une utilisation abondante de squelettes et autres artifices liés à la célébration des morts dans la culture Mexicaine. Mais il y a surtout une violence graphique nettement plus accentuée qu’à l’accoutumée, avec certains dessins assez gore. Cela tranche pas mal avec la première partie de l’album, et surtout ça surprend.
Une gallerie d’illustrations et des explications de Joe Benitez sur le contexte des récits de l’album complète le sommaire de ce quatrième tome.
Un excellent album, qui montre plusieurs facettes de Lady Mechanika.
Shutter tome 1 | |
Glénat Comics 144 pages – 15.95€ Joe Keatinge |
Préparez-vous à vivre l’aventure de votre vie !
Descendante d’une dynastie de grands explorateurs, Kate Kristopher est une véritable célébrité. Elle a passé sa vie à visiter des contrées lointaines, à combattre des créatures fantastiques, à la recherche de trésors tous plus fabuleux les uns que les autres. Aujourd’hui, Kate s’est rangée et occupe plutôt son temps à dédicacer les récits de ses péripéties qui se vendent comme des petits pains. Mais alors qu’un secret de famille refait surface, cette vie aventureuse qu’elle croyait derrière elle pourrait bien la rattraper…
Dans ce premier tome, Joe Keatinge met en place un univers original autour d’une héroïne aux prises avec l’histoire de sa famille dans un récit riche en rebondissements.
A première vue, on pourrait penser que l’auteur nous a concocté sa propre version d’Elsa Bloodstone (la fille du chasseur de monstres Ulysse Bloodstone chez Marvel) : Kate Kristopher est une exploratrice formée dès son plus jeune âge par son père, en suivant la tradition familiale. Mais il s’avère assez vite que la ressemblance entre les personnages est assez superficielle : Kate n’a en effet pas du tout le même tempérament qu’Elsa Bloodstone, et même si elle est tout à fait à même de se défendre face à de multiples dangers on n’est pas du tout dans un registre de chasse aux monstres.
Dans ce premier album, la narration n’est pas linéaire : on retrouve en effet ici et là des fragments du passé de Kate, qui permettent de mieux comprendre ce qu’il se passe dans le présent. La technique est éprouvée et s’avère efficace, et même si l’auteur ne frustre pas le lecteur en jouant la carte des mystérieux mystères il parvient à garder suffisamment de surprises pour conserver l’attention du lecteur. On sent vraiment que Joe Keatinge a encore plus d’un tour dans son sac, et chaque réponse donne lieu à de nouvelles questions, ce qui donne envie d’en lire davantage pour connaître le fin mot de l’histoire.
L’univers de la série est pour le moins insolite : on trouve en effet tout à fait normal de croiser des créatures toutes plus bizarres les unes que les autres, allant du chat réveil parlant jusqu’à un majordome qui n’est autre qu’un squelette animé ! Cela contribue à fournir un cadre riche à cette histoire qui sans cela aurait été beaucoup plus classique. Le côté insolite de la série est en tout cas parfaitement maîtrisé, l’auteur prenant soin de ne pas non plus s’aventurer dans le grand n’importe quoi.
La partie graphique est de son côté assurée par Leila Del Duca, et son style colle parfaitement à l’ambiance insolite de l’histoire. Les créatures bizarroïdes de l’histoire prennent vie case après case en étant représentées avec efficacité.
Un très bon album, qui pose avec efficacité les bases d’un univers bien pensé.
Nailbiter tome 4 | |
Glénat Comics 128 pages – 15.95€ Joshua Williamson |
Même un monstre a des principes…
La Nailbiter a disparu ! Et il semble qu’un nouveau serial killer sème la terreur à Atlanta. Ce nouveau tueur pourrait-il être la clé pour élucider les mystères obscurs de Buckaroo ? Finch et Crane vont-ils devoir vendre leur âme au diable pour le découvrir ?
Nous voici déjà rendus au quatrième tome de Nailbiter, la série qui parle de la ville qui produit des tueurs en série à la chaîne. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que Joshua Wiliamson a encore des choses à raconter !
On pouvait craindre en effet au bout de quatre tomes que l’auteur n’ait fait un peu le tour de son pitch, mais force est de constater qu’il n’en est rien. S’articulant autour de nouveaux axes, le récit continue d’avancer tout en ne perdant pas de vue le fil rouge de la série. Qu’en est-il en effet des raisons qui expliquent cette concentration de tueurs en série à Buckarro ? L’auteur semble bel et bien déterminé à ne pas dévoiler trop tôt l’intégralité des réponses aux questions que se pose le lecteur.
Dans ce quatrième tome, Joshua Williamson continue donc à explorer la psyché des tueurs en série en offrant au lecteur un voyage au sein de leurs agissements. Le ton est toujours dur, mais sans excès et même si certaines scènes sont parfois difficiles à supporter cela ne vire pas non plus au grand spectacle et à l’étalage stérile de tripes et boyaux.
Nailbiter ne donne donc toujours pas de signes d’essoufflement au bout de quatre albums, et c’est avec beaucoup d’intérêt que l’on suit ces histoires sombres et palpitantes. Quant au cliffhanger final, il ne peut que donner envie de voir ce que l’auteur nous réserve pour l’album suivant !
La partie graphique, assurée par Mike Henderson, est de son côté très réussie. Le style de l’artiste permet de restituer l’ambiance glauque de la série, sans en faire de trop dans l’horreur même si certains passage sont pour le moins… goûtus !
Un excellent album, au sein d’une série dont la qualité ne diminue pas avec le temps.
C’est tout pour aujourd’hui !
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