Le lundi c’est librairie ! vous propose la chronique d’un album d’Urban Comics en avant-première.
Au programme : Marshal Law.
Marshal Law | |
Urban Comics 496 pages – 35€ Pat Mills |
San Francisco a été ravagée par un tremblement de terre. Et de ses cendres est née une nouvelle ville, San Futuro. En ce lieu de perdition et de violence, se déploie toute la bestialité d’une humanité génétiquement modifiée, tandis que des humanoïdes surpuissants deviennent des symboles d’héroïsme. Les combats de rue entre les vétérans déchus sont à présent une norme que le gouvernement doit endiguer, aussi font-ils appel à une figure d’autorité. Son nom : Marshal Law. Sa mission : gérer les gangs de super-héros. Son but : rétablir l’ordre.
Contenu VO : Marshall Law Deluxe Edition.
« Je suis un chasseur de héros… Je traque les héros… J’en ai encore jamais trouvé. »
Ces mots sont ceux de Marshal Law, un personnage particulièrement violent qui travaille pour la police d’un futur qui ne fait pas vraiment envie, avec notamment la ville de San Futuro qui est née des ruines de San Francisco. Comme on peut le deviner, il n’aime pas particulièrement les super-héros, qu’il traque inlassablement lorsqu’ils se rendent coupables de crimes.
A travers les différents récits qui composent cet imposant volume, Pat Mills se livre à une dissection du mythe du super-héros à peine cachée derrière une épaisse couche de violence. Les super-héros ne sont pas montrés comme une source d’inspiration pour le public mais davantage comme des êtres peu recommandables qu’il faut neutraliser. C’est aussi l’occasion de parler de la déshumanisation des hommes employés comme chair à canon, qu’il s’agisse de soldats envoyés se faire massacrer au front ou des super-héros qui sont des vétérans des conflits ou on été manipulés pour devenir des surhumains.
Une fois refermé cet album, le hasard a voulu qu’une nouvelle bande-annonce de The Boys, la série adaptée de l’oeuvre de Garth Ennis, soit mise en ligne, et du coup quelques ressemblances entre les deux titres m’ont sauté aux yeux. Marshal Law étant paru bien avant The Boys, on peut donc penser que Garth Ennis aurait lu le travail de ses prédécesseurs. Sans aller jusqu’à parler de plagiat car cela serait totalement faux on peut supposer que son inspiration a pu être nourrie de ce qui se trouve dans ces pages.
Après une longue première partie constituant l’histoire originale de Marshal Law, c’est une succession de récits plus courts qui nous est proposée. On voit évoluer quelque peu le personnage de Marshal Law, qui est toujours aussi radical avec des méthodes toujours plus expéditives. L’ambiance est particulièrement sombre, avec ce pessimisme des années 1980 puis 90 qui commençait à s’étendre : nous sommes à l’époque de Watchmen ou de The Dark Knight returns, comics particulièrement sombres et tranchant avec les histoires jusque là classiques de héros sans peur et sans reproche.
Tout au long de l’album, Pat Mils s’amuse à croquer des héros à la fois peu recommandables et très inspirés de héros bien connus : difficile en effet de ne pas reconnaitre Batman, Superman ou une collection de héros Marvel cachés derrière un dérisoire écran de fumée juste suffisant pour éviter des représailles légales. La recette est en tout cas efficace, et ces récits sans concession sont vraiment intéressants à lire. Le discours caché derrière la couche de violence extrême est pertinent, montrant l’humanité se faire broyer au nom d’intérêts qui ne sont pas franchement glorieux, ou encore montrant son visage sombre avec des personnages vraiment peu recommandables.
La partie graphique est quant à elle assurée par Kevin O’Neil, bien connu des lecteurs de La Ligue des Gentlemen extraordinaires. On reconnait bien son trait et son style qui ne sont pas du tout académiques mais très efficaces pour l’ambiance sombre de ces histoires. Son trait souvent caricatural va bien avec l’exagération qui est au coeur des histoires proposées dans cet album.
Comme son compère scénariste, l’artiste n’y va pas par quatre chemins pour dépeindre la violence avec des cases parfois très gore. Par ailleurs, c’est un album à ne pas forcément mettre entre toutes les mains, car certains dessins sont vraiment gratinés dans le domaine ! En tout cas ses planches sont soignées et on s’amuse à guetter les petits clins d’oeil ici et là à des héros bien connus sans qu’ils soient nommés explicitement.
Côté bonus, après une abondante galerie de couvertures et une recherche de personnages pour une adaptation en film qui n’a jamais vu le jour nous avons droit à quelques illustrations de faux magazines provenant de l’univers de la série.
Un excellent album, avec une analyse pertinente du mythe du héros dissimulée derrière la violence des histoires qui y figurent.
Derniers commentaires