Après le sacrifice héroïque de Superman, Batman et Wonder Woman doivent rassembler une équipe pour affronter un ennemi qui menace l’humanité toute entière.
Depuis que Warner a emboîté le pas derrière Marvel Studios, le moins qu’on puisse dire c’est que les films qui en découlent divisent le public. Jusqu’à Wonder Woman, qui a corrigé le tir, la vision cinématographique des personnages DC provoque des débats sans fin parmi les spectateurs. Pierre angulaire de l’univers DC au cinéma comme Avengers l’était en son temps pour l’univers Marvel, Justice League était d’autant attendu que sa genèse a été compliquée.
Le film est donc sorti sur le grand écran, et force est de constater que Warner a mis de l’eau dans son vin. Le ton est incontestablement plus léger que dans Batman v Superman, sans pourtant non plus aller braconner sur le territoire humoristique de Deadpool, Les Gardiens de la galaxie ou Thor Ragnarok chez la concurrence. Ca se chamaille, ça s’envoie des vannes (y compris à des moments assez insolites) mais ce n’est pas non plus un film rigolo et décalé.
Qu’il s’agisse de l’influence de Joss Whedon (venu compléter le film suite au retrait de Zack Snyder pour raisons personnelles) ou simplement du syndrome « ça marche en face donc on fait pareil », Justice League affiche des emprunts évidents à la recette Avengers. Sans toutefois arriver au même résultat, mais peut être aussi que l’effet de surprise de 2012 n’est plus de mise en 2017 : maintenant on est habitués à voir des héros se retrouver pour aller botter de l’arrière-train maléfique, aussi bien au cinéma (Avengers 1 & 2, Civil War) qu’à la télévision (Defenders, crossover annuel des séries DC sur CW) alors qu’en 2012 Avengers avait tout du fantasme inavoué et irréalisable de tout fan de comics.
Justice League souffre de pas mal de défauts, certains étant plus gênants que d’autres (des incohérences et raccourcis scénaristiques plombent le film, sans toutefois égaler les 8 épisodes d’Inhumans en facepalm permanent) mais globalement la remontée qualitative amorcée avec Wonder Woman (qui avait aussi ses défauts) est toujours de mise. On passe un bon moment avec cette équipe improbable, et même si le film souffre d’une exposition un peu bâclée pour les nouveaux venus (Flash, Aquaman et Cyborg) l’équipe de justiciers made in DC fonctionne relativement bien.
Sur le plan visuel, nous avons droit dans la première partie du film à une surabondance de ralentis mais heureusement il y en a moins par la suite. Les effets spéciaux sont plutôt réussis, même si le trucage du visage de Cyborg fait un peu bizarre par moments (ironiquement le maquillage de Peter Weller en Robocop donnait largement plus l’impression d’un cyborg, et pourtant le film a trente ans de plus !).
A noter que comme pour les films Marvel, il faut rester jusqu’au bout du bout du générique de fin : il y a en effet deux scènes post-générique dans Justice League.
Justice League n’est ni le désastre annoncé ni le film ultime des super-héros DC, mais un film plutôt réussi qui offre un spectacle plaisant malgré ses défauts.
Le film en général
Batman v Superman a été un film particulièrement clivant : le film a ses adorateurs et ses ennemis, qui ne manquent pas de s’invectiver quand une faction le débine ou l’encense. En tout cas, Warner a décidé de revenir sur ses choix et de faire quelque chose de différent. Certes, ça reste globalement sérieux mais c’est nettement moins glauque. On remarquera un recours assez marqué aux petites vannes entre personnages, plus ou moins bien vues et surtout une volonté de montrer des héros nettement plus positifs que dans les films précédents : on avait tout de même un psychopathe habillé en chauve souris qui marquait les voyous au fer rouge, une Amazone qui boudait en retrait de l’humanité depuis la mort de son chéri et un extra-terrestre constipé à tendance messianique qui ne sauvait les autres que quand sa chérie à lui ne l’accaparait pas. La trinité DC ne donnait pas franchement l’image d’un groupe de super-héros dévoués à leur cause, mais plutôt de surhumains lunatiques qui se battaient en cassant tout sur leur passage. Bref, il fallait revoir tout ça et c’est ce qui a été fait dans le film, en appliquant ici et là des petites choses qui font fortement penser à Avengers sans pour autant aller jusqu’à une repompe intégrale comme cela avait été supposé. Mais il est clair que Justice League ressemble bien davantage à Avengers que Wonder Woman à Captain America !
Sans aller jusque dans les mêmes travers que Batman v Superman (Marthaaaa !) et Suicide Squad, Justice League n’est pas pour autant exempts de défauts en ce qui concerne la cohérence de son histoire. Déjà c’est bien joli de montrer l’alliance des peuples de la Terre en des temps anciens, mais de nos jours on se demande pourquoi les Amazones et les Atlantes ont décidé d’un commun accord qu’ils avaient piscine au lieu de venir affronter Steppenwolf. Déjà que les boites mères n’étaient pas spécialement bien cachées, une fois qu’elles ont été volées cela aurait été plutôt pas mal de se liguer à nouveau. Et le sort de la boite des humains n’est guère mieux : la boite « perdue » mais en fait non quoiqu’en fait si mais on sait où elle est… Tout ceci manque de cohérence, sans oublier l’attitude pour le moins détendue des personnages sur leurs identités secrètes (je serais curieux de savoir comment Clark Kent va pouvoir justifier son retour à la vie en même temps que Superman sans que quelqu’un n’additionne deux et deux, sans oublier Lois qui hurle son prénom devant tout le monde quand il revient en tant que Superman justement), et quelques raccourcis scénaristiques qui ne sont pas forcément gênants mais qui font un peu désordre. Ca reste tout de même très acceptable, car en fait comme le film donne nettement moins l’impression de se prendre au sérieux que Batman v Superman on a même envie d’être indulgent.
Sur le plan visuel, très tôt on retrouve quelque chose de très désagréable et déjà présents dans les autres films : les ralentis. Plein. Enormément. Trop. Heureusement cela n’est vraiment pénible qu’au début du film (la séquence sur l’Ile des Amazones est quasi irregardable à cause de ça), après cela se tasse quelque peu (ou alors mon œil s’est résigné). Les effets spéciaux sont réussis, avec une bonne représentation des niveaux de pouvoir des protagonistes. Il est clair qu’un team-up Superman / Wonder Woman, ça se représente avec un minimum de puissance à visualiser et sur ce plan là il n’y a rien à redire.
En ce qui concerne la musique, on retrouve des influences des thèmes des différents personnages et en ce qui me concerne j’ai apprécié que le thème de Wonder Woman soit décliné en version orchestrale et non dans sa version hystérique à la guitare électrique qui m’a hérissé dans les deux films précédents.
Les personnages
Justice League est un peu bancal en ce qui concerne les personnages. Autant il bénéficie de l’introduction d’une partie de son casting dans les films précédents (donc Man of steel, Batman v Superman et Wonder Woman), le problème est qu’il introduit trois nouveaux héros et le méchant de l’histoire en un seul film. On peut sentir ici l’urgence qui consiste à essayer de rattraper coûte que coûte la concurrence, sauf que cette dernière avait pris soin de mettre en place tous les membres de l’équipe dans des films individuels avant de les réunir.
Du coup en ce qui concerne Flash, Aquaman et Cyborg tout est fait de façon superficielle : leur caractérisation est réduite au minimum vital pour comprendre ce qu’on voit à l’écran, et leurs univers respectifs sont réduits à ce qui est nécessaire même si Cyborg s’en tire un peu mieux que ses compagnons car cela sert l’histoire. D’ailleurs c’était bien la peine de faire un tel foin autour de la présence de Mera (Amber Heard) vu le peu de temps où elle apparaît à l’écran… Sachant qu’il est tout à fait inutile d’espérer rattraper Marvel qui lui a déjà mis trois phases de MCU dans les gencives, Warner aurait pu prendre le temps de mettre en chantier des films pour les personnages restants avant de les réunir (et remplacer au passage le calamiteux Suicide Squad). Après, ça fonctionne quand même pas trop mal mais on sent confusément qu’il manque quelque chose. Un peu comme quand il manque un ingrédient à la recette de gâteau et que l’épicerie est fermée : on la fait quand même, ça ressemble à la photo mais il manque quelque chose par rapport à la recette originale.
Wonder Woman (Gal Gadot) se taille la part du lion dans ce film : son personnage est central à l’intrigue, ne serait-ce que par sa connaissance de l’ennemi à affronter (d’ailleurs elle aurait vaguement pu en parler avant…). Le personnage est moins sombre, moins torturé et plus fidèle à ce qu’on peut attendre de Diana Prince : un personnage solaire, qui inspire les gens… mais elle reste une guerrière redoutable dont la puissance est incontestable.
Batman (Ben Affleck) a lui aussi évolué depuis Batman v Superman : ça fait tout de même bizarre de le voir pratiquer de l’humour pince sans rire et être particulièrement négligent en ce qui concerne son identité secrète (ce qui sous-entend dans cette configuration que si Gordon n’a pas deviné qui est Batman c’est qu’il est particulièrement demeuré). On retrouve le côté « héros vieilli et fatigué » qui va plutôt bien à cette déclinaison du personnage, et permet de montrer qu’il est nettement surclassé par les poids lourds de l’équipe.
Poids lourds dont fait partie Superman (Henry Cavill), qui est mort dans Batman v Superman mais va mieux dans ce film. La séquence de sa résurrection, qui fait tout autant penser à une allégorie religieuse que l’approche messianique du film précédent, est d’ailleurs assez mal fichue et la séquence de baston qui s’ensuit fait se demander si en fait on n’est pas dans une cinématique du jeu vidéo Injustice. Mais sinon on pourra apprécier l’évolution du personnage qui devient enfin un « vrai » Superman : le big blue boy scout souriant (et ce dès la toute première séquence où il apparaît avant sa mort) et prêt à tout pour sauver les gens remplace avantageusement l’alien morose et constipé des précédents films. La puissance du personnage est aussi montrée de façon plus que convaincante, avec des séquences qui rendent un hommage appuyé à l’étendue de ses pouvoirs.
Du côté des nouveaux venus figure donc Flash (Ezra Miller)… et là par contre, ça ne fonctionne pas super bien. Le rendu de ses pouvoirs de vitesse est parfois assez étrange (quand il ne regarde pas du côté de Quicksilver par moments) et surtout le personnage est bien trop bizarre pour donner envie de s’intéresser à lui. Son costume, qui semble en permanence prêt à tomber en morceaux, ne donne pas non plus une image de héros même débutant… C’est tout de même dommage d’avoir voulu couper les ponts avec la version télévisée de Flash, qui pour le coup est bien plus convaincante avec un personnage autrement plus sympathique.
Sympathique n’est pas non plus le mot qui vient en tête en pensant à Aquaman (Jason Momoa) : on se retrouve avec une version aquatique de Thor, qui oscille entre le gros lourd et le sociopathe taciturne. La matérialisation de ses pouvoirs est aussi bizarre : comment se propulse-t-il dans l’eau ? Vu qu’il ne bouge pas ses jambes pour nager très vite (ce qu’on attend de lui), on se demande ce qui le fait avancer en dehors d’inévitables blagues scatologiques sur une origine gazeuse de sa propulsion… En tout cas le personnage ne correspond pas à ce qu’on pouvait attendre du personnage : certains avaient peur qu’il soit trop fade, là le curseur est à fond dans l’autre sens !
Par contre le personnage de Cyborg (Ray Fischer), bien qu’étant lui aussi apparu dans le film, est plus intéressant. On sent bien tout le malaise d’un jeune homme transformé en machine qui doit comprendre ce qu’il est et surtout accepter ce qu’il est. Il y a une légère tendance à le transformer en tournevis sonique de la Justice League (comprendre un accessoire bien utile pour tirer les héros du pétrin en montrant des capacités jusque là inédites mais qui aident bien les scénaristes) mais globalement le personnage marche plutôt bien. Par contre le rendu de son visage de chair et de métal est souvent curieux : on a presque l’impression d’une projection holographique de la partie humaine, en tout cas quelle que soit la méthode employée ça rend nettement moins bien qu’un banal maquillage à l’ancienne.
Du côté des méchants, en plus d’une vague inépuisable de para-démons on retrouve donc Steppenwolf (Ciaran Hinds), matérialisé en motion capture. Le vilain n’est ni bon ni mauvais, il remplit son office de menacer le monde avec un niveau de danger suffisant pour justifier la réunion d’une équipe de héros poids lourds mais n’a pas spécialement de charisme ni de présence.
Les personnages secondaires issus des univers de Batman et Superman sont aussi de la fête (pas de celui de Wonder Woman, puisque comme l’a fait si gentiment remarquer Batman Steve Trevor n’est plus de ce monde). Alfred (Jeremy Irons) est toujours aussi mordant et montre une certaine maîtrise de la petite pique et le commissaire Gordon (JK Simmons) est fidèle au poste en semblant surgir d’une BD (mais on se demande à quoi à bien pu rimer la préparation physique de l’acteur). Côté Superman, outre la mère de Superman (Marthaaaaaa !) toujours incarnée par Diane Lane, on retrouve donc Lois Lane (aucun lien) toujours jouée par Amy Adams. Les deux femmes jouent leur rôle sur la composante émotionnelle de l’histoire, même si les habituels poncifs sur le métier de journaliste ne manqueront pas de faire soupirer.
L’adaptation
Il est souvent difficile d’adapter les comics de DC et Marvel en raison de la grande longévité de leurs univers : difficile en effet de savoir où piocher pour s’inspirer quand les personnages ont des carrières s’étalant sur un nombre respectable de décennies. Mais DC a facilité la tâche aux scénaristes avec la remise à zéro de ses héros lors de l’ère New 52.
Il n’est donc pas surprenant que la composition de l’équipe à l’écran ressemble énormément à celle de la version New 52 (même s’il manque Green Lantern, pourtant le Green Lantern Corps est évoqué dans le flashback épique du film), et même si leur premier adversaire n’est pas Darkseid comme dans les comics les héros se frottent à un de ses lieutenants qui prononce de toutes façons le nom du seigneur d’Apokolips.
On retrouve ça et là des choses venues des comics qui surnagent, sans que l’on puisse pour autant parler d’adaptation fidèle. Mais contrairement aux tentatives précédentes, on retrouve globalement l’esprit des personnages : Batman en sombre justicier (mix entre la version Miller et celle des jeux Arkham), Superman en boy scout solaire, Wonder Woman en icône rayonnante, Cyborg en être insolite déchiré entre des deux natures… pour Flash et Aquaman, là par contre c’est pas la fête…
En conclusion
Film ni nul ni génial, Justice League est un honnête compromis et un pas de plus de Warner dans la bonne direction pour adapter à l’écran les aventures des héros DC. Il reste maintenant à voir ce que donneront les films suivants, dont la genèse s’avère particulièrement chaotique.
Je viens de le finir à l’instant et je dirais que je suis assez déçu… si une version longue existe (comme pour Bat vs Sup), peut être apportera t’elle un peu de qualité à ce film bancal…
Ce qui me gonfle le plus avec ce film, c’est qu’il a tous les ingrédients pour réussir mais c’est un beau gâchis et il ne dure que 1h48 (début du générique de fin)…. Snyder sait poser des personnages, poser une intrigue, prendre son temps, sa version (si elle existe) doit sans doute faire dans les 3h… et elle doit apporter quelque chose en plus…. Mais on part de très loin pour rendre ce film canon, il faut l’avouer…
Par contre, Wheadon a clairement apporté son style sur certaines scènes : la franchise d’Aquaman dans l’avion, j’ai trouvé ça excellent. Certaines vannes sont bonnes, d’autres tombent à des moments assez incongrus…
La grosse erreur selon moi, c’est que Warner & DC veulent créer un univers cohérent en 3-4 films là ou Disney & Marvel ont mis 10 ans !!!
C’est tout à fait ça : Warner qui se réveille quand la recette Marvel Studios marche et décide de faire pareil mais en accéléré, ça ne peut pas fonctionner.