Dans le petit monde des comics, Jérémy Manesse est surtout connu pour ses activités de traducteur et d’animateur de la page Facebook de Panini, Mais il est avant tout comédien et auteur de théâtre, et il a eu la gentillesse de répondre à nos questions sur sa nouvelle pièce : aPhone.
Q : Bonjour Jérémy, merci de répondre à nos question. Peux tu nous parler du sujet de ta nouvelle pièce, aPhone ?
R : On peut penser que le titre dit tout… mais c’est un leurre ! La célèbre marque Ipple a lancé (comme chaque année) un nouveau modèle de son aPhone, qui enterre les versions précédentes. En effet, l’appareil peut désormais téléphoner à la place de son utilisateur en se branchant directement sur son cerveau. On imagine les possibilités… et ce que peut donner un bug d’ampleur du système d’appel ! C’est le point de départ de cette comédie, après ça
part dans tous les sens, et on parle aussi de la crise, des banques, des journalistes, des internautes et de tout ce qui rend le monde moderne si sympathique. Tout ça sur un ton qui ne se veut absolument pas sérieux. Pour les références, je situe cette pièce entre South Park et Watchmen. Si si, c’est possible.
Q : Comment as-tu eu l’idée de ce sujet ?
R : Comment se fait-il que personne ne l’ait eu avant, surtout ! Avec « À Suivre », j’évoquais l’aspect addictif des séries télé, un vrai phénomène de société, et le sujet suivant que je voulais aborder, déjà à l’époque, c’est l’évolution des smartphones. Depuis, je craignais surtout que quelqu’un en fasse une pièce avant moi ! L’idée de fond, elle est sur l’affiche, avec ces trois gars plongés sur leur téléphone qui ne voient même pas passer la bombe atomique devant eux. On voit ça partout, tout le temps : Désormais, quand il y a un trou dans une conversation, la moitié des gens (et je suis gentil) consulte machinalement l’écran de son joujou, même s’il n’y a rien à y voir. Je le sais, je le fais aussi. C’est une évolution de la société sur laquelle je trouvais intéressant de se pencher, et j’y ai ajouté mes réflexions sur la crise et d’autres sujets actuels. Parce qu’il vaut mieux en rire.
Q : aPhone parodie ouvertement Apple et ses produits. N’est-ce pas un peu paradoxal vu que tu semble être un utilisateur satisfait de ces produits ?
R : Je suis satisfait de mon iPhone 5 (oui oui, je l’ai), ça ne m’empêche pas de voir le piège infâme de la consommation dans lequel je suis tombé. Le principe des applis est génial, mais il verrouille les utilisateurs en les empêchant d’aller voir ailleurs, sous peine de perdre toutes les applications achetées. Et le renouvellement du portable chaque année, c’est insupportable, et je trouve assez perfide le changement d’OS, qui met à jour l’iPhone 4 avec des fonctions…qu’il ne peut pas utiliser. À côté de ça, Apple crée des appareils inutiles qui savent se rendre indispensable, avec une interface qui a laissé tout le monde dans la boue, c’est à la fois admirable et surréaliste. D’ailleurs, la pièce ne dit pas forcément que du mal de tout ça, bien au contraire… mais je ne veux pas faire de spoiler. C’est surtout au phénomène de société que je « m’attaque ». On est dans une société qui devient aphone à force de pouvoir communiquer tout et tout le temps. Et quel est ce monde où on répète sans arrêt que c’est la crise et où on vend cinq millions de téléphones à 600 euros en une semaine, principalement à des gens qui en ont déjà un ? Les mêmes gens qui font du tri sélectif et pestent parce qu’on est en train de détruire la planète. Je le sais, je le fais aussi. Dans cette pièce, j’en mets plein la gueule aux journalistes, aux banquiers, aux trolls des forums, mais je trouve ça honnête de ne pas forcément dénoncer que les autres. Cette pièce, j’espère aussi qu’elle me fera réfléchir sur mon comportement honteux.
Q : Après Darrick Robertson pour “A suivre”, c’est Stuart Immonen qui dessine l’affiche de aPhone. Peux-tu nous raconter comment cela s’est fait ?
R : Ça a été à la fois très compliqué et très simple. Compliqué parce que j’avais écarté d’emblée le nom de Stuart (que j’avais rencontré avec sa femme à Angoulême et avec qui le courant était très bien passé), persuadé qu’il n’aurait jamais le temps pour un projet de ce genre. Je suis donc passé par plusieurs noms que je ne citerai pas, et qui m’ont opposé exactement le même problème : Manque de temps. Je m’apprêtais à laisser tomber l’idée de passer par un dessinateur de comics pour cette fois, et puis je me suis dit, quand même, on avait eu un bon contact, et puis si quelqu’un peut avoir une réelle conscience de ses deadlines, c’est bien Stuart Immonen, dont je rappelle qu’il est le seul à avoir dessiné tous les épisodes d’un crossover sans jamais que la sortie d’un numéro ait dû être décalée. J’envoie donc un mail, et en gros un quart d’heure après, je découvre sur le Net qu’il va bosser avec Bendis sur la nouvelle série X-Men. Bimensuelle. Logiquement, je me dis donc que c’est mort. Et pourtant, Stuart m’a recontacté plus vite qu’aucun autre des dessinateurs que j’avais contactés, alors qu’il était en plein déménagement, et a accepté tout de suite l’idée d’affiche que je lui proposais. Un type pro et sympathique, sur toute la ligne. Et j’espère que Kathryn Immonen pourra venir voir la pièce, puisqu’elle doit passer quelque temps à Paris prochainement.
Q : As-tu prévu des clins d’oeil pour les lecteurs de comics ?
R : Oh, toujours. Les thèmes généraux, déjà, et puis quelques petites références. Rien d’aussi évident que le marteau de Thor dans À Suivre, mais la dernière scène du spectacle parodie les films catastrophe autant que les comics « à grands budgets »… Et l’assistante du « grand méchant » s’appelle Mme Teschmacher…
Q : As-tu déjà des idées pour ta prochaine pièce ?
R : Ouh la, non. Nous sommes sur les dernières répétitions, il y a encore énormément de détails techniques à régler… Si tout se passe bien, on est partis pour deux ans avec « aPhone ». Je ne commence jamais à réfléchir à la suite tant qu’une pièce est en cours. Et puis j’ai quand même un paquet de traductions à rendre, puisqu’Angoulême approche et que ça nécessite de prendre un mois d’avance sur les rendus !
Q : Pour finir, aurais-tu une petite anecdote amusante pour les lecteurs sur aPhone ?
R : Les répétitions sont truffées d’anecdotes amusantes, on se marre vraiment bien, on a une équipe d’acteurs monstrueuse. Mais je ne sais pas si ça peut faire rire « si on n’était pas là » ! Mais pour rire un peu et se faire une idée du ton de la pièce, tes lecteurs peuvent visiter le site officiel de la pièce et découvrir un genre de bande-annonce que nous avons concoctée en amont.
Q : Merci Jérémy pour ta disponibilité.
R : Merci à toi de m’avoir proposé cette interview !
aPhone, une comédie de Jérémy Manesse, avec Christine Anglio, Morgane Bontemps, Odile Huleux, Benjamin Alazraki, Jérémy Manesse et Philippe Manesse. Les vendredi, samedi, dimanche à 19 heures, les lundi et mardi à 20h, à partir du 15 octobre 2012 au Café de la Gare (41 rue du Temple, Paris 4e, Métro Hôtel de Ville ou Rambuteau).
Moi ça me fait pas rire, surtout que la pièce va être interdite (?). Apple ne laisse rien passer qui puisse nuire à son image marketing.
Heu on n’est pas aux Etats Unis, ça m’étonnerait fortement que la pièce puisse être interdite… 😉