Critique de X-Men – Dark Phoenix de Simon Kinsberg (2019), garantie sans spoilers.
Avec James McAvoy, Michael Fassbender, Jennifer Lawrence, Nicholas Hoult, Sophie Turner, Tye Sheridan, Alexandra Shipp et Jessica Chastain
Un dernier pour la route
Voilà, nous y sommes. Après quasiment vingt ans, l’univers des X-Men initié par le film de Bryan Singer tire sa révérence avant un fort probable reboot sous la houlette des architectes du Marvel Cinematic Universe. Certes, il reste encore un film sur les Nouveaux mutants à sortir, mais j’avoue que je croirai à sa sortie le jour où je serai dans la salle. Mais revenons à nos moutons et à Dark Phoenix : ce film a connu une gestation compliquée, et une partie a été refilmée pour des raisons pas forcément expliquées de façon claire – certains disent que c’est précisément à cause de son nouveau statut de conclusion de l’univers – ce qui lui donne un autre point commun avec L’affrontement final qui lui aussi avait été enfanté dans la douleur.
Dark Phoenix marque donc la fin d’une époque, et donc certains passages ont un petit effet nostalgique avec cette donnée en tête comme le terrain de basket qui s’ouvre pour laisser décoller le X-Jet comme dans le premier film. On aurait pu penser que l’équipe créative aurait tout donné pour offrir aux spectateurs un bouquet final époustouflant et finir en beauté, mais malheureusement il n’en est rien. Certes, le film est conclusif – et à ce titre n’a pas de scène post-générique – et les intrigues sont bouclées plutôt proprement même si la cohérence avec la timeline initiée dans Days of future past est un rien malmenée (d’ailleurs aviez-vous remarqué que tout en incarnant le même personnage Sophie Turner et Famke Jenssen n’ont pas les yeux de la même couleur ?). Mais le souci c’est que le film a des défauts et certains acteurs (Jennifer Lawrence, Michael Fassbender et même parfois James McAvoy) donnent l’impression de regretter d’avoir signé leur contrat. Alors certes, le film n’est pas aussi raté que certains le clament sur tous les toits, mais on est loin d’un bouquet final et de l’émotion qui va avec les adieux avec un univers présent depuis si longtemps au cinéma.
Ce qui marche…
Même sans offrir le bouquet final qu’on espérait tous, Dark Phoenix offre quand même du grand spectacle. Qu’il s’agisse de la scène dans l’espace ou de la dernière partie du film, il y a des moments de bravoure qui font plaisir et une exploitation plus que correcte des mutants en équipe. En plus, le rythme est plutôt bien trouvé et on ne voit pas le temps passer pendant le film, au contraire d’Apocalypse.
Ce qui est appréciable aussi, c’est d’explorer une facette plutôt inattendue du Professeur Xavier. Au début, Charles Xavier a toujours été montré comme le Martin Luther King des mutants, d’une bonté infinie et d’une moralité à toute épreuve. Puis au fil du temps, les auteurs successifs ont nuancé le personnage, le rendant à la fois plus humain et plus nuancé, plus ambigu. Charles Xavier a ses zones d’ombre et a fait des choses plutôt discutables, et cela se ressent dans le film où on le découvre plus égoïste qu’il n’y parait de prime abord. James McAvoy est plutôt habile dans son interprétation pour ces moments, ce qui aide pas mal.
Le design général du film est aussi plutôt bien fichu, même s’il jette à la poubelle le clin d’oeil de la fin d’Apocalypse avec les costumes colorés des X-Men. Dans Dark Phoenix, la charte graphique exprime totalement un héritage de l’ère Grant Morrison sur les X-Men, qu’il s’agisse des costumes ou de petits détails ici et là. Et le pire, c’est que ça rend vraiment super bien !
Les efforts pour raccrocher les wagons avec la véritable Saga du Phénix noir sont aussi un gros plus : certes, sur le fond on rate encore une fois le coche comme je l’explique plus bas, mais on retrouve des éléments qui font plaisir. On retrouve même quelques références assez pointues, qui passeront totalement par dessus la tête des spectateurs les moins attentifs mais qui feront plaisir aux autres. Et le personnage incarné par Jessica Chastain va dans ce sens, même si c’est une tentative un peu maladroite de condenser à mort ce qu’on pouvait trouver sur papier.
Enfin même s’il y a quelques ratés ici et là dont je parle plus bas, ce qui est surtout appréciable c’est que l’histoire tienne la route. C’est certes une mauvaise adaptation du matériau de base, mais on n’est pas du tout comme pour L’affrontement final dans un espèce de film bâtard mêlant deux intrigues. Là il y a une seule intrigue du début à la fin, et elle est menée à terme consciencieusement.
… et ce qui ne marche pas
Malheureusement, tout n’est pas rose au pays du Phénix, et le film est plombé par certains défauts. Tout d’abord l’insertion de Magneto aux forceps dans l’histoire, comme dans L’affrontement final, ne fonctionne pas : on se demande tout autant que Michael Fassbender ce qu’il est venu faire dans cette histoire, sachant qu’il n’était pas dans le comic book original. Certes le personnage se réserve quelques moments montrant à l’instar de sa version Ian Mc Kellen à quel point il peut être effrayant, mais en dehors de ça, il n’y a pas grand chose à relever et son mini-Genosha qui donne l’impression d’avoir le budget d’un épisode de San Ku Kai fait plutôt pitié.
Même constat pour la présence de Mystique, qui reste un mystère depuis plusieurs films : Jennifer Lawrence semble regretter à chaque scène de s’être fourvoyée dans cette aventure – même si elle donne moins l’impression de supplier le caméraman de l’achever comme dans Apocalyse – et son personnage est tout de même écrit à la truelle. On passera d’ailleurs charitablement sur la vanne féministe lourdingue qu’elle sort au détour d’un dialogue.
Même James McAvoy, qui est loin d’être mauvais, surjoue par moments dans la peau du Professeur Xavier et donne l’impression de rejouer des scènes de Split. En fait, lors de sa rencontre avec Jean enfant, il donne davantage l’impression d’être un pédophile venu s’approvisionner en chair fraîche plutôt que le mentor qu’il est censé incarner.
Ce qui ne fonctionne pas non plus, c’est que l’on a du mal à s’intéresser à des personnages introduits superficiellement dans Apocalypse. La caractérisation étant assez rudimentaire (avec même un bref « out of character » choquant concernant Diablo), on ne ressent pas suffisamment ce qui leur arrive à l’écran : autant les spectateurs ont souffert avec Famke Janssen en la voyant sombrer dans X-Men 2, que là il parait difficile d’en faire autant avec Sophie Turner car son personnage n’a pas été suffisamment rendu proche du spectateur pour qu’il ressente la même empathie à son égard.
Enfin ce qui ne marche vraiment pas, c’est de s’obstiner à réutiliser des éléments de L’affrontement final. Faire de Jean finalement le véritable artisan de sa propre chute, c’est maladroit, voire idiot. Au moins Simon Kinsberg ne va pas aussi loin que dans le film précédent où il était affirmé sans vergogne que Jean avait un sérieux pet au casque, là on voit une jeune femme perturbée depuis l’enfance piquer une crise d’adolescence avec des pouvoirs cosmiques. Le coup du combat en zone pavillonnaire n’est pas non plus l’idée du siècle d’ailleurs, et il est aussi dommage que le film soit moins ancré dans son époque – Les années 90 – que ses prédécesseurs.
La Saga du Phénix Noir… ou pas
Comme L’affrontement final avant lui, Dark Phoenix est présenté comme une adaptation de la saga culte de Chris Claremont et John Byrne, à savoir la Saga du Phénix noir. Récit emblématique s’il en est, et présenté comme le sommet de l’art narratif du célèbre duo, cette histoire est complexe et surtout s’est étalée sur plusieurs numéros pendant lesquels la pression n’a fait que monter. C’est aussi la démonstration que le pouvoir corrompt, qu’il soit au niveau humain ou ici totalement sans limite à un niveau quasi-divin.
On retrouve donc des éléments de cette saga dans Dark Phoenix, et même davantage que dans L’affrontement final. Mais au final on passe encore à côté du sujet : oui on retrouve une Jean Grey totalement dépassée par un pouvoir sans limites et devenant dangereuse, mais c’est bien tout. Cette lente érosion de son être qui était la marque de la saga sur papier, cet incendie qui a longtemps couvé avant de finalement faire rage – avec Jason Wyngarde et le Club des Damnés qui ont agi comme un accélérateur de feu dans les mains d’un pyromane – n’est une fois de plus absolument pas présente. On voit juste une jeune femme péter les plombs en avance rapide, devenant ainsi une menace aussi rapidement que Thor a appris l’humilité dans le film de Kenneth Branagh et passant pour sa part de gros beauf viking prétentieux à dieu du tonnerre respectable en moins de temps qu’il n’en faut pour apprendre à épeler Yggdrasil correctement du premier coup.
Un autre dégât collatéral de cette adaptation est la relation entre Jean et Scott : ce dernier est bien trop effacé une fois de plus pour avoir l’envergure requise pour être le socle sur lequel Jean pouvait trouver un peu de réconfort et surtout lutter contre ses démons. Les lecteurs de la Saga du Phénix noir se souviennent tous de ce magnifique dialogue où l’amour entre les deux jeunes gens pouvait permettre à Jean de lutter contre la noirceur du Phénix, de ce combat totalement désespéré sur la Lune où le chagrin de voir tomber Cyclope au combat la consumait une fois de plus et surtout cet adieu poignant entre eux. Rien de tout ceci ne transparait dans Dark Phoenix, au plus nous verrons une petite amourette entre eux deux sans capter ne serait-ce qu’un iota de la magie entre leurs homologues de papier.
C’est donc bien dommage que même si des efforts ont été faits pour corriger le tir depuis L’affrontement final, Dark Phoenix rate une nouvelle fois le coche. A croire que Simon Kinsberg, déjà scénariste du premier essai d’adaptation, n’a pas compris grand chose à cette histoire. Les efforts supplémentaires sont en tout cas appréciables même s’ils sont insuffisants, notamment la séquence dans l’espace quasi parfaite (il faudra quand même qu’on m’explique comment Tornade peut manipuler la météo dans le vide spatial).
En conclusion
X-Men – Dark Phoenix n’est à la fois pas le film de super-héros de l’année ni la purge infâme que certains se plaisent à évoquer, mais un film qui remplit plutôt bien son office de divertissement tout en étant plombé par plusieurs défauts plus ou moins gênants. Après il est clair que pour une adaptation de la Saga du Phénix noir, nous pouvons une nouvelle fois nous brosser !
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