Hier, nous avons parlé du spectacle Deus Ex Machina, en représentation le 15 septembre prochain. Stéphane Anière, auteur du spectacle, a eu la gentillesse de nous accorder une interview pour nous parler de son travail.
Q : Bonjour Stéphane, peux-tu te présenter pour les lecteurs de Watchtower Comics ?
R : J’ai 34 ans, je produis et organise des spectacles depuis une quinzaine d’années. J’ai débuté dans le milieu des Arts Martiaux, je pratique le Taekwondo depuis une vingtaine d’années. J’ai commencé très jeune dans l’univers du spectacle et par extension je me suis retiré tôt du devant de la scène. J’ai produit et organisé mon 1er spectacle en 1997. De 2001 à 2005, il y a eu l’aventure French Open (avec mon collègue Cédric Beltrame), un tournoi d’Arts Martiaux international multi-style qui a contribué à développer le Kata Artistique et popularisé le « Mouvement Trickz » en France. Cette expérience d’organisation lourde et exigeante m’a forgé une certaine façon de travailler qui m’a beaucoup aidé pour la suite.
En 2007, j’ai produis, organisé et co-mis-en-scène (avec Martin Le Breton) le « Souffle du Vent » au Cirque d’Hiver Bouglione. Une histoire qui a duré 4 ans et qui s’est soldée par une dernière à la Tour Eiffel et une adaptation en BD. Depuis 2010 je m’occupe de la coordination et de la mise en scène du Festival des Arts Martiaux de Bercy pour lequel je mettais déjà en scène certains tableaux depuis 2001.
Q : Outre « Deus-Ex Machina », tu as déjà organisé le « Souffle du vent ». Quelles sont tes inspirations ?
R : Le « Soufle du Vent » est né d’un court-métrage de mon collègue Martin Le Breton. Personnellement je sortais du French Open et je voulais faire un vrai spectacle car je ne m’épanouissais pas vraiment artistiquement avec l’organisation d’un tournoi sportif. Le sujet du court métrage m’a plu et j’ai proposé à Martin d’en faire un événement. Nous avons réécrit l’histoire à quatre mains et je suis rentré en phase de production.
J’ai grandi avec les Comics, toute mon enfance a été bercée par les Editions Lug, j’avais de bonnes sources d’inspiration. Pour le « Souffle du Vent », les inspirations sont plutôt « V pour Vendetta » et « Matrix », mais il y a quand même quelque chose de très Comics dans certains personnages. Le côté voyage initiatique, l’héroïne en quête d’accomplissement personnel, les créatures ambigües et symboliques … Je suis aussi un grand lecteur de BD franco-belge, ce sont autant de sources d’inspirations qui se ressentent forcément dans mes spectacles.
Q : L’histoire de Deus Ex Machina puise ses racines dans la mythologie. Qu’est ce qui t’a donné l’envie de t’intéresser au mythe de Pandore ?
R : Je me suis d’abord intéressé aux Dieux et à la guerre de Troie. Je suis plutôt friand d’Histoire donc tous ces contextes guerriers me parlent bien et je trouve qu’il y a toujours de bonnes matières à faire de la fiction. Je trouvais intéressant d’inverser le mythe de Pandore (qui n’est d’ailleurs pas lié, à la base, à la guerre de Troie) et d’en faire une femme forte, passionnée, limite calculatrice plutôt que la femme victime de la Légende. Ici Pandore n’est pas manipulée par les Dieux, c’est elle qui séduit l’un des Dieux et qui les trahit tous pour les enfermer dans ce qui pourrait être vu comme une « Boîte de Pandore », une prison dimensionnelle.
Côté casting, ça n’a pas été plus simple … le rôle était tellement important que nous l’avons casté dans les derniers, et pendant longtemps je n’ai voulu voir personne. J’avais du mal à visionner quelqu’un pouvant avoir assez de présence pour endosser le rôle. Une danseuse ? Une comédienne ? Lorsque mon collègue Jean Dutelle a voulu me présenter Pascale (Bruderer), j’ai même hésité … j’avais du mal à croire qu’elle ait pu avoir un si bon CV à son âge ! Finalement je n’ai pas regretté, c’est la seule personne que j’ai auditionnée pour le rôle.
Q : Le programme du spectacle sera une bande dessinée de Christophe Bec. Comment est venue l’idée d’utiliser une bande dessinée ?
R : J’avoue, je voulais travailler avec Christophe depuis des années. J’ai toujours été fan de son travail, « Sanctuaire » bien sûr mais aussi d’autres séries comme « Zéro absolu », « Bunker » et « Prométhée ». J’aime beaucoup son style graphique, très réaliste mais aussi très expressif. Je connais d’autres dessinateurs qui ont un trait réaliste mais qui n’expriment pas grand-chose. Christophe est un passionné, il s’investit à fond et ça se sent dans son dessin. Nous avions failli travailler ensemble il y a 2 ans sur un projet de BD mais ça ne s’était pas fait pour des problèmes d’édition.
Avec « Deus Ex Machina », j’avais à cœur de pousser encore plus loin la mixité des genres : Acting, Danse, Arts Martiaux, Chant … et pourquoi pas BD ? C’est un art visuel aussi ! Pour moi tout peut cohabiter dans un ensemble logique dès le moment où la démarche est sincère. Donc j’ai eu l’idée de poser le décor du spectacle sous la forme d’une courte BD que j’ai proposée à Christophe. J’ai scénarisé les planches, il les a découpées, dessinées et colorisées.
Q : Tu as travaillé avec Corbeyran et Grun pour Le Soufle du Vent. Est-ce que cela était différent de ta collaboration avec Christophe Bec pour ce programme?
R : Oui, très différent. J’étais moins impliqué dans la BD du « Souffle du Vent », j’avais un rôle de co-scénariste. Eric et Ludo sont de tels pros qu’il n’y a pas grand-chose à retailler derrière eux et ils se sont très vite approprié l’univers du spectacle. L’aventure n’en a pas été moins riche pour autant ! J’adore le travail d’Eric depuis que j’ai découvert le « Chant des Stryges », alors quand il m’a proposé d’adapter le spectacle en BD, c’était un peu Noël avant l’heure. Idem pour Ludo (Grun), j’aime beaucoup son style de dessin et j’avais beaucoup aimé la série « La conjuration d’Opale ».
Pour « Deus Ex Machina», le travail a été très différent. J’étais seul scénariste du spectacle donc tout seul aux commandes. De même Christophe travaillait pour « un privé » et non pour une maison d’édition. J’ai d’ailleurs été ravi de constater qu’il a mis la même énergie dans ces 5 planches que pour un blockbuster qui serait vendu à 100 000 exemplaires. Entre passionnés, on se comprend !
Q : Est-ce que tu aimerais proposer une adaptation de Deus Ex Machina en BD comme pour Le souffle du vent ?
R : Oui et non en fait. Oui car c’est toujours une aventure, et si c’est d’aussi bonne qualité que les premières pages de Christophe … mais la difficulté c’est la densité. Le spectacle est très dense, il y a beaucoup de personnages et d’histoires parallèles. En BD ça représenterait un volume conséquent de tomes pour traiter tout ça, et avec les délais de conception ça devient difficile à gérer. Nous avons dû condenser le « Souffle du Vent » en un one shot alors que l’histoire méritait 2 ou 3 tomes. Mais comme il y avait le spectacle en parallèle, il ne fallait pas que l’édition prenne trop de temps. Le timing n’a d’ailleurs pas été si bon car la BD est sortie alors qu’on jouait la dernière ! Ca serait pareil pour « Deus Ex Machina», les spectateurs auraient l’histoire complète sur scène tandis qu’un 1er tome de BD avec le rythme correct traiterait d’un dixième des choses. Difficile de trouver une cohérence là dedans…
Q : Pour finir, qu’est ce que tu donnerais comme conseils à quelqu’un qui voudrait monter un spectacle comme le tien ?
R : Caféine et apprendre à dormir 4h par nuit ! Plus sérieusement il faut être organisé et patient. J’ai commencé par de petits spectacles. Faire ses preuves et apprendre le métier c’est important. Après il ne faut pas se laisser impressionner par la taille d’un événement, il faut être méthodique, c’est un immense puzzle dont il faut traiter chaque pièce, dans l’ordre. Il ne faut pas se leurrer non plus, sur le terrain c’est la guerre et il faut des nerfs d’acier !
Merci beaucoup Stéphane pour cet entretien fort enrichissant.
Vous pouvez également aller voir la page Facebook de Deus Ex Machina, ainsi que celle de CSE Prod où vous trouverez de nombreuses photos et making of.
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