Depuis mardi, les feux de l’actualité sont braqués sur Spider-Man. Face au déluge d’informations le plus souvent contradictoires, voici ce qui se passe et ce qui est susceptible de se passer ensuite.

Au commencement étaient les droits

Retournons dans les années 1990 : A cette époque Marvel Comics est au bord de la faillite et tous les moyens sont bons pour sortir l’éditeur de l’ornière où il est profondément enfoncé.

Parmi l’arsenal déployé, il y a la vente de droits des personnages pour leur utilisation au cinéma. C’est ainsi que – entre autres – Sony a acquis les droits de Spider-Man, tandis que 21th Century Fox a hérité des licences X-Men et des Les Quatre Fantastiques, à condition de sortir régulièrement des films sous peine de perdre la licence. Donc c’est pour ça que la gestion des droits de l’univers Marvel a depuis été un casse-tête, car même si au final tout ce petit monde appartient à l’éditeur Marvel Comics, les droits d’exploitation au cinéma et à la télévision sont répartis entre plusieurs intervenants qui sont depuis devenus nettement moins nombreux.

Grandeur et décadence de Spider-Man

Le premier film Spider-Man réalisé par Sam Raimi – avec Tobey Maguire dans le rôle de Spider-Man – et sorti en 2002 est à l’instar du X-Men de Bryan Singer et des deux premiers Batman de Christopher Nolan un des véritables artisans du renouveau du genre super-héroïque au cinéma. Il faut se rappeler que jusque là, on était restés sur les très discutables Batman & Robin et Superman IV, avec quelques autres tentatives pas vraiment glorieuses et ce qui ressemblait le plus aux X-Men était la ridicule série Mutant X.

Un second film Spider-Man signé Sam Raimi est sorti en 2004, suivi par un troisième en 2007. Spider-Man 3 est le dernier film où Sam Raimi est impliqué : sa production a été pour lui un véritable parcours du combattant face aux ingérences de Sony et faute d’accord sur un quatrième volet Spider-Man 4 s’est trouvé sans réalisateur ni têtes d’affiche et Sony n’a eu d’autre choix que de rebooter la franchise.

The Amazing Spider-Man sort en 2012, réalisé par Marc Webb avec Andrew Garfield dans le rôle du Tisseur. Nouveau départ, on repart des origines mais avec une approche différente. The Amazing Spider-Man 2 sort quant à lui en 2014, et Sony fourmille de projets pour construire tout un univers  autour de Spider-Man et de ses ennemis. Sauf que cette nouvelle version ne convainc pas le public ni la critique, et face aux résultats bien moins bons que prévus Sony annule ses projets et ne sait plus trop quoi faire de Spider-Man.

Le renouveau au sein du Marvel Cinematic Universe

Pendant ce temps, il y a eu un nouveau joueur dans la partie : Marvel Studios. En commençant sous la houlette de Paramount avec le premier film Iron Man, ce nouveau studio a construit film après film un univers partagé avec différents personnages pour ensuite converger vers le film choral Avengers. Le succès a été colossal, changeant une nouvelle fois la donne pour les films de super-héros au cinéma. En outre, tout le groupe Marvel – y compris Marvel Studios – est la propriété de Disney depuis 2009 tout en conservant une certaine autonomie.

C’est dans ce contexte que des tractations sont menées pour « ramener Spider-Man à la maison ». Un accord est trouvé entre Marvel/Disney et Sony : le premier s’occupe du côté artistique en intégrant une nouvelle version du personnage à son univers partagé (le Marvel Cinematic Universe, ou MCU) tandis que le second s’occupe de l’aspect financier de la chose. Sony récupère donc l’essentiel des bénéfices tandis que Marvel/Disney conçoit les films comme ses autres productions.

Le nouveau Spider-Man apparait dans Captain America Civil War sous les traits de Tom Holland en 2016. Le succès de cette nouvelle version est immédiat, et ne se démentit pas avec les deux film solo du personnage (Homecoming en 2017 et Far from home en 2019) et les deux autres films choraux auxquels le nouveau Peter Parker participe (Infinity war en 2018 et Endgame en 2019). Au cinéma, Spider-Man est redevenu un personnage de premier plan !

Disney vs Sony

Tandis que Marvel a dépoussiéré Spider-Man, chez Sony on ne s’est pas tourné les pouces : un film Venom est sorti en 2018, avec différents artifices pour ne pas vraiment montrer s’il fait partie du MCU ou non – officiellement il n’en fait pas partie – et se donner du mou si jamais ça devait changer. La fin d’année 2018 a aussi été marquée par la sortie du remarquable film d’animation Spider-Man New Generation, qui a permis de mettre en scène le personnage de Miles Morales, très populaire dans les comics.

Par la suite, Disney a voulu renégocier son accord avec Sony pour augmenter sa part des bénéfices. Face au refus de Sony, l’accord avec Disney a volé en éclats, et suivant les sources on ne sait pas trop si c’est définitif ou non. Il convient d’ailleurs de préciser que dans cette histoire il n’y a pas de « bon » ni de « méchant » : il s’agit de deux joueurs d’une partie d’échecs  qui se livrent une partie, chacun employant tout son arsenal pour faire plier son adversaire. Bien entendu, il est clair que le battage médiatique autour de fuites savamment orchestrées fait partie de cette stratégie afin de pourrir l’autre. Donc il n’y a pas de « méchant » Disney qui veut dépouiller le « gentil » Sony, ni de « gentil » Disney face au « méchant » Sony qui fait n’importe quoi, la réalité est comme souvent entre les deux et chacune des parties a son lot de casseroles.

Ce qui peut se produire

Il est clair qu’à moins d’être dans le secret des dieux et/ou d’être équipé d’une boule de cristal en état de marche, pour le moment il est difficile de prédire ce qui va se passer. Néanmoins il semble qu’il y ait trois possibilités :

• Retour de flamme : Disney et Sony trouvent un terrain d’entente, vu qu’il ya un peu de marge avant un retour de Peter Parker au cinéma, et un nouvel accord est trouvé. Dans ce cas on oublie ce qui s’est passé et on repart de plus belle
• Rupture consommée : Spider-Man quitte le MCU. Côté Disney, ça signifie gommer totalement le personnage des films à venir tandis que côté Sony on se retrouve dans une situation assez bancale où les films Spider-Man à venir se retrouvent amputés de tous les éléments du MCU (le SHIELD, Iron Man, Happy, etc…). En ce qui concerne la cohérence, on va dire que Sony a largement plus à perdre que Disney, même si le premier a déjà montré que les incohérences ne lui font pas peur.
• Terre brûlée : Sony reboote une nouvelle fois le personnage et lance un quatrième Spider-Man. On peut penser que tout est possible, mais là cela reviendrait à se tirer plusieurs balles de fusil de chasse dans le pied.

Voici ce que nous savons pour le moment… il ne nous reste plus qu’à être patients et attendre de voir ce qui va se produire, en espérant que notre sympathique Tisseur de toile va pouvoir se sortir de cette nouvelle déconvenue. En tout cas on pourra constater à quel point Spider-Man est depuis le début de ses aventures cinématographiques en phase avec son modèle de papier en partageant sa poisse légendaire !