Le lundi c’est librairie ! vous propose aujourd’hui la chronique d’un album édité par Urban Comics.
Au programme : Alan Moore présente Swamp thing t1.
Alan Moore presente Swamp thing tome 1 | |
Urban Comics 448 pages – 35€ Alan Moore / Len Wein |
Jason Woodrue, un brillant scientifique, vient de découvrir une créature au coeur d’un marais de Louisiane. Le monstre végétal éveille sa curiosité de chercheur ainsi que celle de son patron, lequel décide de se l’approprier. Mais la créature humanoïde est habitée par la mémoire d’un homme, et n’entend pas se laisser faire…
Contenu VO : Saga of the Swamp Thing #20-34 + Swamp Thing Annual #2
Après les débuts de Swamp thing par Len Wein, Bernie Wrightson et Nestor Redondo, voici le début d’une nouvelle ère pour l’étrange créature du marais sous la plume de celui qui l’a réinventée.
Quand on s’intéresse un tant soit peu aux comics, le nom d’Alan Moore est bien connu, synonyme d’une écriture exigeante au service d’intrigues fouillées. Quand l’auteur Britannique reprend en mains le personnage de Swamp thing, il ne se contente pas de prolonger l’existant mais au contraire part dans de nouvelles directions. Dans ces pages, Alan Moore déconstruit en effet totalement la création de Len Wein et Bernie Wrightson pour la remodeler, non pas comme certains auteurs qui méprisent le travail de leurs prédécesseurs mais au contraire pour aller encore plus loin dans leur concept.
Le postulat de départ de son run est d’ailleurs particulièrement gonflé : changer radicalement le statut de cette créature issue des marais, ce qui a le double effet de non seulement perturber le lecteur mais également le personnage lui-même ! Mais tout ceci n’est pas gratuit, car Alan Moore traque la moindre petite faille dans les épisodes qui ont précédé son arrivée pour trouver des explications très censées et construit même toute une mythologie autour du personnage, le tout sans renier ce qui a été fait auparavant. C’est une grande marque de respect envers ses prédécesseurs, en interprétant différemment leur travail plutôt qu’en le mettant à la poubelle. D’ailleurs ce respect est exprimé de différentes façons, qu’il s’agisse de l’épisode L’enterrement ou encore l’intégration du tout premier récit sur Swamp thing avec Alex Olsen d’une façon intelligente qui permet d’élargir une nouvelle fois la mythologie de la créature.
L’ambiance de cet album est également différente de celle des épisode précédents : alors que sous la plume de Len Wein les histoires avaient un cachet d’horreur gothique très seventies, l’horreur des histoires d’Alan Moore est plus organique et plus viscérale avec une atmosphère plus oppressante. Mais même si c’est tout de même plus démonstratif qu’avant – en plus dans cet album figure l’épisode où la série s’est affranchie du carcan du Comics Code Authority – il n’y a pas non plus des tripes et du sang partout et l’horreur est tout sauf gratuite : les épisodes sont très bien écrits, avec des intrigues solides et d’excellentes idées qui sont parfaitement mises en application. Mais tout est fait pour instiller une sensation de malaise au lecteur, avec des situations effrayantes et insolites.
On pourra aussi apprécier dans ces pages la présence d’invités de l’univers DC, et sans attacher Swamp thing à la continuité trop fortement la présence de ces personnages permet d’enrichir les histoires et de sortir d’une certaine routine qui pourrait s’installer si la créature du marais évoluait en vase clos.
Du côté du dessin, nous n’avons cette fois pas droit à du noir et blanc mais à de la couleur et ce serait presque dommage car la colorisation a un peu vieilli. Mais en tout cas le dessin de Stephen Bissette, qui oeuvre sur l’essentiel de cet album, reste toujours aussi efficace. Même s’il y a des choses assez moches à montrer, cela n’est pas non plus un défilé d’images gore et c’est très appréciable. Le talent de l’artiste, qu’il s’agisse des dessins ou des mises en pages, est un atout certain de cet album car il a parfaitement mis en images cette ambiance étrange issue des histoires d’Alan Moore.
D’autres artistes sont également à l’oeuvre, et même si cela reste un cran en-dessous du travail de Stephen Bissette c’est tout de même très réussi. Comme il est souligné dans la postface de Neil Gaiman, on peut même souligner l’intelligence d’Alan Moore d’avoir opté pour une histoire plus légère en phase avec le style d’un dessinateur qui est très efficace dans ce registre.
Côté bonus, outre les traditionnelles couvertures nous avons droit à une préface de Len Wein et des postfaces signées Jamie Delano et Neil Gaiman, cette dernière étant particulièrement intéressante car Neil Gaiman décortique les épisodes et le travail de son collègue avec beaucoup de pertinence.
Un excellent album, où Alan Moore a réinventé la créature du marais pour l’amener vers de nouveaux sommets.
C’est tout pour aujourd’hui !
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