Après les événements de Captain America Civil War et la mort de son père, T’Challa retourne dans sa nation du Wakanda pour en devenir le roi. Mais le fantôme du passé menace son pays et le monde tout entier.
Le personnage de la Panthère noire avait fait une apparition remarquée dans le troisième film consacré à Captain America, à savoir Civil War. T’Challa a maintenant droit à son propre film, suivant ainsi le même chemin que son collègue Spider-Man qui est aussi passé par la case Civil War avant d’avoir son film solo. Les attentes étaient fortes, car le potentiel du personnage et sa nature même de souverain tiraillé entre son devoir et ses activités de héros font qu’il n’étais pas forcément évident de l’adapter correctement.
Ce dernier film du Marvel Cinematic Universe (MCU) avant Infinity War est en tout cas une nouvelle fois réussi. La dualité du personnage dont je parlais un peu plus haut est bel et bien présente dans cette histoire, tout comme celle de son pays qui est un délicat équilibre entre modernité et tradition. On pourra apprécier au passage que la nation Africaine du Wakanda, toute imaginaire qu’elle soit est dépeinte avec justesse et sans recourir à des clichés occidentaux qui en feraient un pays caricatural.
Ryan Coogler signe donc une très bonne adaptation du personnage de la Panthère noire et de son univers, avec bien entendu quelques ajustements nécessaires pour non seulement rester cohérent avec le MCU (ne serait-ce que pour le personnage d’Ulysses Klaue, déjà vu dans Age of Ultron) mais également parce qu’il est illusoire d’adapter un comic book en mode copier/coller. Aucune trahison cependant, on retrouve ses marques dans une histoire qui tient très bien la route malgré un ou deux petits points assez prévisibles (mais j’en reparle plus bas). Comme on pouvait le supposer au vu de la bande-annonce, l’humour n’est pas omniprésent dans ce film vu que le sujet ne s’y prête pas mais on retrouve tout de même ici et là des vannes pas forcément bien placées. Ca passe généralement assez bien, à une exception près où une vanne casse un moment assez solennel. On est en présence d’un film d’aventures, avec un côté James Bond assez visible à l’occasion de certaines scènes, ce qui colle très bien au personnage.
Chadwick Boseman prouve une nouvelle fois qu’il est très à l’aise dans le rôle de T’Challa, apportant une certaine majesté tout à fait appropriée à son personnage de roi et super-héros. Le reste du casting n’est pas en reste, avec un Michael B. Jordan qui se fait ainsi pardonner de sa présence dans le calamiteux reboot des 4 Fantastiques en campant un Killmonger qui éclipse les vilains habituels des films du MCU. Tout le monde est à l’aise dans son rôle, et on appréciera de plus en version originale le soin apporté aux accents des différents personnages.
Sur le plan visuel, le spectacle est une nouvelle fois assuré avec des cascades totalement démentes même si par moments l’omniprésence d’effets spéciaux pour les réaliser est un peu trop marquée. On appréciera également de très jolis plans au Wakanda (ou à un autre endroit évoqué plus bas), qui ont de quoi apporter au spectateur une bonne dose d’évasion.
Fidèle à la tradition du MCU, Black Panther propose également deux scènes post-générique donc on reste bien sagement assis dans son fauteuil jusqu’à la fin de la fin du générique (quitte à s’attirer les foudres du vigile qui a une énorme envie de vous virer de la salle).
Dernière étape avant Infinity War, Black Panther réussit le pari risqué d’adapter à l’écran le personnage de T’Challa et le folklore du Wakanda.
LA SUITE DE L’ARTICLE CONTIENT DES REVELATIONS SUR L’INTRIGUE (SPOILERS)
L’histoire
Black Panther reprend là où Civil War s’est arrêté : T’Challa revient au Wakanda pour devenir roi suite à la mort de son père. Mais le film s’ouvre sur un flashback mettant ce dernier en scène dans le rôle de la Panthère noire, ce qui d’ailleurs surprend pas mal même quand on sait que ce rôle se transmet de père en fils. La thématique du fils affrontant les péchés du père n’est pas du tout inhabituelle chez Marvel Studios, et en l’occurrence cela permet ici de donner au vilain du film une certaine épaisseur et une justification pour ses actions.
L’histoire tient la route, même si elle est tout de même assez prévisible. Quand on voit le dispositif qui neutralise le vibranium, il est clair qu’on se doute immédiatement qu’il sera utilisé plus tard et vraisemblablement pendant une bagarre (et on n’est pas déçus). De même, le retour de T’Challa après sa mort présumée est très téléphonée. Mais même si on décèle ainsi quelques ficelles narratives au fil du film, ce n’est pas pour autant que l’histoire n’est pas intéressante.
Black Panther traite en effet de sujets aussi différents que l’héritage du père et la place d’une nation Africaine dans le monde, ainsi que le regard de ce dernier sur lui. Il est en effet largement question du rôle que le Wakanda peut jouer par rapport aux autres pays : doit-il mettre fin à son isolationnisme volontaire, ou au contraire rester replié sur lui-même ? La réponse finit par arriver dans le film, donnant certes un léger côté Bisounours à T’Challa mais ça passe très bien ! La nation du Wakanda bénéficie d’un très bon traitement, en mettant en scène son côté paradoxal entre tradition (particulièrement mise en avant avec les différentes tribus qui le composent et tout le cérémonial autour de la Panthère noire) et modernisme, ce dernier étant tout de même un petit peu trop poussé car cela donne parfois l’impression d’une nation extra-terrestre tant la technologie est avancée.
A noter que l’histoire n’est pas un tremplin vers Infinity War : nulle mention de choses ou d’événements qui soient liés de près ou de loin au carnage qui va déchirer le MCU d’ici quelques mois, si ce n’est la scène post-générique qui permet d’assister au réveil de Bucky et de deviner qui se chargera de concevoir son nouveau bras. Comme on a pu voir dans les bandes-annonces que Bucky participera à la grosse baston contre Thanos, le lien est très très fin mais il est là.
Les personnages
T’Challa (Chadwick Boseman) est de retour, et conserve son aura de majesté qui avait déjà fait ses preuves dans Civil War. Même si le personnage est parfois un peu en retrait derrière d’autres de part leur charisme, la Panthère noire est incarnée avec beaucoup de justesse et on retrouve là une incarnation très réussie de T’Challa.
A ses côté, Nakia (Lupita Nyong’o) est dépeinte comme une femme forte qui n’est absolument pas décidée à se laisser dicter sa conduite par T’Challa. La comédienne est très à l’aise dans ce rôle, avec une complicité marquée avec Chadwick Boseman.
Okoye (Danai Guira) n’est pas en reste en tant que femme forte : la farouche Dora Milaje est impressionnante à chacune de ses apparitions, et impose un respect plus que certain. La comédienne a même un regard assez flippant, qui a de quoi calmer toute personne qui pourrait avoir envie de lui chercher des noises.
Aux côtés de T’Challa, on trouve Suri (Letitia Wright) dont le rôle est important. Peut être un peu trop même, vu qu’il est implicitement sous-entendu qu’elle est responsable de toutes les innovations technologiques du Wakanda (c’est tout juste si on ne dit pas qu’elle a inventé la roue). Le personnage est en tout cas très sympathique, et son duo avec T’Challa sur fond d’amour vache à grands coups de vannes fonctionne très bien.
Everett K. Ross (Martin Freeman) est lui aussi de retour, avec un rôle plus important que dans Civil War même si pour le coup il se retrouve un peu mêlé par hasard à tout ceci (même si on pourra apprécier la facilité narrative qui fait arriver « comme par hasard » un ancien pilote de chasse dans une suite d’événements où un pilote est apprécié). Le personnage est toujours très digne, limite coincé car Martin Freeman a beau jouer un agent de la CIA, il fait toujours très Britannique.
C’est Erik Killmonger (Michael B. Jordan) qui campe sans surprise le vilain du film. Le comédien est très investi dans son rôle, et relève le niveau des vilains habituels des films du MCU qui peuvent être assez fades (souvenons-nous de Yellow Jacket dans Ant-Man… ou pas) et du coup on le pardonne de s’être fourvoyé dans le rôle de la Torche. Killmonger est un vilain plutôt intéressant, avec un vrai passé plutôt que d’être là juste pour se prendre des baffes. Par contre c’est dommage que la volonté de ne pas lui donner son look kitsch des comics se traduise par le fait qu’il arbore le même costume que la Panthère noire, ce qui ne lui donne pas une identité propre et fait même penser qu’il se contente de ce que T’Challa ne veut pas vu qu’il s’agit d’un uniforme mis de côté.
Ulysses Klaue (Andy Serkis) ne vient pas quant à lui de Civil War mais de Age of Ultron… et par contre le personnage est assez étrange dans le film. Il donne en effet l’impression d’être totalement cinglé (chantonnant même du Haddaway en pleine action) et le trafiquant de grande envergure perd du coup pas mal en crédibilité. Il est par contre assez surprenant qu’il connaisse une fin aussi abrupte qu’inattendue, mais qui sait peut être peut il revenir sous une autre forme comme dans les comics !
Ramonda (Angela Bassett) et Zuri (Forest Whitaker) tiennent quant à eux des rôles importants, même si on les voit assez peu. Outre le fait qu’il est toujours appréciable de voir des acteurs de renom dans des films de super-héros (ça commence à devenir la norme mais il y a dix ans cela aurait été inconcevable), les deux comédiens livrent comme à leur habitude une interprétation impeccable.
Le film en général
Comme les autres films du MCU, Black Panther nous offre une grande quantité de moments spectaculaires. Les cascades les plus folles sont donc au programme, notamment grâce à la magie des effets spéciaux qui permet de faire des choses totalement insensées. Il est par contre un peu dommage que le numérique soit trop omniprésent à la fin du film : lors du combat final entre T’Challa et Killmonger, la longue chute des deux protagonistes tout en se battant est tellement peu crédible que ce passage en est presque dérangeant. Mais en dehors de cela, le spectaculaire est bien géré ! Le film fait pas mal penser à un film de James Bond, notamment avec le passage où Shuri montre son équipement à T’Challa, référence directe aux séquences similaires entre James Bond et Q.
Black Panther est également l’occasion de contempler des paysages très joliment mis en images. Qu’il s’agisse des vues du Wakanda (avec par exemple la chute d’eau où se déroule le combat rituel) ou de ce qui se passe dans l’au-delà (avec des effets visuels pour ciel évoquant des aurores boréales), il y a de quoi en prendre plein les yeux pour le plus grand bonheur de nos rétines ! Les tribus du Wakanda sont également très soignées sur le plan visuel, chacune d’entre elle ayant une identité qui lui est propre avec donc les tenues qui correspondent.
En ce qui concerne la réalisation elle-même, je ne suis pas assez calé en cinéma pour donner un avis éclairé. Mais de mon point de vue de profane je n’ai rien vu de choquant, si ce n’est une erreur de montage vers la fin du film (T’Challa se démasque, ses adversaires arrivent et l’image d’après il a son masque, ce qui est impossible en moins d’une seconde). Les combats sont plutôt bien faits, avec une bonne intégration de différents styles qui mettent en valeur les combattants (même si le coup de « je saute sur le bouclier de mon collègue pour attaquer », ça commence à devenir répétitif entre 300 et Wonder Woman), et j’apprécie qu’en VOST les accents des personnages aient été travaillés. Il serait en effet complètement regrettables que tous les protagonistes parlent Anglais avec un accent Américain ou Anglais, mais ce piège a été évité et même sans être un linguiste chevronné j’ai tout de même senti que les accents reflétaient bien les régions d’origine des personnages. Et pour des acteurs bien connus comme Forrest Whitaker, je dois avouer que ça fait un drôle d’effet même si une fois encore grâce au talent du comédien l’acteur s’efface derrière le personnage.
Enfin, concernant le ton du film, comme on pouvait s’y attendre il est plutôt sérieux. Le sujet ne se prête pas à la rigolade de toutes façons, il aurait été totalement déplacé d’avoir une ambiance à la Ragnarok pour raconter cette histoire. Cependant, le sérieux est de temps en temps ponctué de petites touches plus légères : qu’il s’agisse de vannes envers la vénération de T’Challa pour Nakia ou de M’Baku et ses répliques, on reconnait bien là l’approche des films du MCU qui trouve toujours le moyen de placer des petites touches d’humour. Par contre, concernant M’Baku, je trouve que par moment c’est un peu de trop : il y a notamment une phase assez solennelle que ce dernier plombe totalement avec une vanne, et ça c’est dommage.
L’adaptation
L’adaptation est souvent le point qui fâche dans les films Marvel, point de dissension entre les spectateurs prêts à accepter des compromis et ceux qui sont attachés à un copier/coller à la virgule près.
Comme les autres films du MCU, Black Panther se permet des libertés, ce qui est inévitable pour éviter de se retrouver avec des choses qui passent très bien sur le papier mais pas sur le grand écran. On pourra d’ailleurs remarquer une petite vanne sur le costume de T’Challa, car en effet le costume qu’il trouve trop voyant est précisément une tenue portée sur le papier.
On remarquera en tout cas qu’il y a des différences marquées avec l’univers de papier de la Panthère noire, mais est-ce une mauvaise adaptation pour autant ? Non car ces différences sont justifiées et ne trahissent en rien le matériel original. Le personnage de Shuri a pas mal changé, héritant de fait d’une partie des caractéristiques de T’Challa : ce dernier n’est pas dépeint comme un génie scientifique comme dans les comics, même s’il est loin d’être ignare, c’est Shuri qui devient miss Gadget et porte sur les épaules la responsabilités de découvertes scientifiques. Du coup elle s’efface davantage sur le plan physique et ne ressemble pas trop à celle qui avait pris la succession de son frère sous le manteau de la Panthère dans les comics.
Nakia et Everett Ross sont aussi subtilement modifiés, le second ayant nettement plus de dignité que son modèle de papier (ce qui colle très bien à la rigidité toute britannique de son interprète) et le premier semblant être une façon détournée d’apporter un personnage ressemblant à Tornade des X-Men dans un univers où ces derniers sont absents pour des raisons de droits (du moins pour le moment). Ce point est particulièrement visible avec le fait que T’Challa est obnubilé par Nakia et celui qu’ils semblent avoir une relation personnelle assez orageuse et en dents de scie, ce qui fait largement penser à la relation entre la Panthère noire et Tornade qui se sont tournés autour un sacré moment avant de finir par se marier.
Erik Killmonger et M’Baku sont de leur côté assez différents des personnages originaux, et sur le plan visuel on ne peut que se réjouir pour le premier tant le costume était kitsch ! Pour M’Baku, on peut voir qu’il a été pris soin de non seulement ne jamais lui donner son nom de « vilain » (Man-Ape, ou Homme singe) mais également de lui donner un costume qui évoque cette identité sans jamais que cela ne soit trop visible. Ce qui est tout à fait compréhensible, car aussi bien l’un que l’autre pourrait être perçu comme une insulte. Enfin on remarquera que la personnalité de M’Baku version MCU s’écarte d’un vilain classique pour plutôt en faire un « gentil vaurien » comme on disait dans une autre galaxie à une époque lointaine.
Enfin concernant Klaue, ou plutôt Klaw dans les comics (j’ai l’impression qu’il a été rebaptisé pour des raisons de licence), on retrouve la prothèse remplaçant son membre manquant mais sous une forme qui évoque davantage un ennemi de Daredevil (Bushwacker). Son côté barge fait quant à lui penser à la période Secret Wars (première du nom) où il avait totalement pété les plombs et chantait aussi des chansons. On appréciera en tout cas de ne pas retrouver son apparence de diablotin rouge dans le film !
En conclusion…
Black Panther commence très bien l’année 2018, avec une adaptation de qualité du personnage de la Panthère noire et de son univers. Tout en étant intégré au MCU, le film existe par lui-même, ce qui est très appréciable, et T’Challa réussit avec brio son passage du papier au grand écran.
Bravo et merci pour ce commentaire 🙂
Hakuna matata 😉