Pour ce quarante neuvième numéro de la rubrique Autres bulles, nous allons nous intéresser à une histoire de science-fiction.
Au programme : Utopie tome 1 par Rodolphe et Griffo, édité par Delcourt.
Après nous être intéressés à un thriller, nous changeons de registre pour nous intéresser à la première partie d’une saga de science-fiction.
Utopie tome 1
- Éditeur : Delcourt
- Prix : 13.50€
- Date de sortie : 08/11/2023
- Format : 51 pages 22.5 x 29.8 cm
- Auteur(s) : Rodolphe / Griffo
- EAN : 9782413079033
Une utopie n’est pas forcément le paradis qu’on imagine, comme nous pouvons le découvrir dans la première partie du triptyque Utopie.
Nous découvrons en effet une société qui se veut idéale, mais dont on devine assez rapidement les contours totalitaires voire sectaires par certains aspects. A travers les yeux de Will Jones nous voyons donc son quotidien qui se partage entre un travail qui a une vision déformée de l’Histoire, son esclave androïde à la fois domestique et jouet sexuel et une série télévisée où il peut incarner un personnage. Un quotidien aseptisé, où rien n’est laissé au hasard jusqu’à ce qu’il découvre un objet interdit : un livre.
Au scénario on retrouve Rodolphe, notamment connu pour son travail avec Leo mais qui a signé également d’autres œuvres (d’ailleurs nous avons Centaurus sous le coude). L’auteur est tout à fait à l’aise avec le concept de science-fiction, ce qui se ressent dans la construction de cette histoire très bien pensée.
Par certains aspects, Utopie fait penser à L’âge de cristal (Logan’s run) : une société sommes toutes totalitaire sous ses airs de paradis, une population jeune et un personnage qui découvre peu à peu que son quotidien n’est pas aussi génial qu’il le croit. Pour les lecteurs de notre époque, certains points peuvent faire sourire comme l’androïde à la fois bonne à tout faire et sex toy sur pattes (encore qu’il y a malheureusement des gens qui s’en contenteraient fort bien de nos jours) ou les rapports humains très codifiés mais le discours de l’œuvre est de montrer comment ce genre de société est un carcan invisible.
Le personnage voit en effet basculer sa vie lorsqu’il découvre un livre, objet interdit dans cette société, tandis qu’il est surveillé de près lorsque son comportement semble dévier de ce qu’il devrait être aux yeux des critères de cette société (traduire : il se met à réfléchir). A son travail, nous le voyons revisiter l’Histoire avec ses collègues, pour en livrer une version tout à fait approximative mais qui devient la version officielle à force de tâtonnements (le passage sur Staline est amusant d’ailleurs). Enfin qui sont ces mystérieux Carla et Andy, qui sont vénérés par la population et parlent d’un mystérieux conflit en cours ?
La science-fiction est souvent un prisme qui questionne la société contemporaine au travers d’une histoire aux codes futuristes, et c’est le cas avec ce premier album. Derrière le décor de cette société « idéale » on peut tout à fait identifier quelques travers de notre société actuelle, certes exagérés et amplifiés mais qui peuvent tout à fait évoluer vers ce que l’on lit dans ces pages si l’on n’y prend pas garde !
Ce premier tome d’Utopie pose efficacement les bases de cet univers, que le lecteur peut facilement appréhender dès les premières pages. Bien entendu l’auteur n’a pas livré tous ses secrets et il reste des choses à découvrir, mais cette première partie est intéressante et donne envie d’en découvrir plus. Deux autres parties sont annoncées (en avril et septembre 2024), vivement qu’elles sortent !
La partie graphique d’Utopie est quant à elle signée par Griffo, qui signe des planches très joliment dessinées. L’artiste dépeint à merveille cette société aseptisée, ainsi que ce qui se trouve à côté de ce monde qui se veut idéal. Les personnages bénéficient d’un dessin soigné, notamment au niveau de leur visage.
Côté bonus, le sommaire de l’album est complété par un cahier graphique avec des croquis de personnages et des recherches sur la couverture.
Ce premier tome d’Utopie est une réussite, posant les bases d’un univers intéressant et questionnant avec pertinence le concept de société idéale.
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