Pour sa 300e édition, Le lundi c’est librairie ! vous propose une édition spéciale, avec la chronique de cinq albums provenant de différents éditeurs.
Au programme : Trees t1 (Urban Comics), Five ghosts t3 (Glénat Comics), Jessica Jones t1 (Panini Comics), Faith t2 (Bliss Comics) et Manifest destiny t3 (Delcourt Comics).
Bigre ! Nous voici à la 300e édition de Le lundi c’est librairie ! dont la toute première a eu lieu en mars 2011. Ca fait un certain nombre d’albums chroniqués (voire un nombre certain) dont je m’efforce de vous parler afin de vous livrer mes impressions et vous donner mon avis dessus.
Outre les petits ajustements cosmétiques qui surviennent de temps en temps, la rubrique avait évolué il y a quelques mois pour ne proposer que les albums d’un même éditeur dans chaque édition. Mais pour cette édition spéciale, nous allons aborder des albums proposés par différents éditeurs proposant des adaptations VF de comics.
Trees 1 | |
Urban Comics 192 pages – 17.50€ Warren Ellis |
Cela fait maintenant dix ans qu’ils ont atterri. Ils sont présents sur toute la surface du globe. Depuis, rien. Aucun contact. Ils se tiennent là, profondément enracinés tels des arbres d’une espèce extra-terrestre. Dix ans qu’ils maintiennent cette pression silencieuse sur notre monde, sur notre activité, indifférents à notre présence. Cela fait dix ans que nous avons découvert la présence d’une autre forme de vie dans l’univers, mais cette forme de vie n’a jamais reconnu notre existence en tant qu’espèce intelligente, voire vivante…
Contient : Trees Vol. 1 (Trees #1-8)
Warren Ellis est un auteur qui est capable du pire (son travail « alimentaire ») comme du meilleur (tout le reste de son oeuvre). Avec Trees, il est clair que nous sommes dans la seconde catégorie.
A partir d’une histoire qui pourrait être tout à fait banale (l’espèce humaine dans sa déclinaison imaginaire n’en est pas à sa première invasion venue d’ailleurs), Warren Ellis nous livre une histoire qui est assez déroutante au départ. En effet, comme les arbres sont disséminés sur la planète, l’auteur « zappe » rapidement d’une localisation à l’autre dans un rythme rapide et nous présente au passage les protagonistes de chaque zone dont il est question.
C’est d’ailleurs ce qui est assez frappant : les envahisseurs ne sont pas le centre de l’attention de Warren Ellis. Certes ils sont la cause de l’existence du récit, et les intrigues tournent autour de leur présence sur Terre. Mais tout comme les zombies de Walking dead finissent par s’effacer devant les conflits entre les survivants, les arbres de Trees s’effacent le plus souvent devant les histoires des personnages qui y font face. Cette approche est en tout cas une réussite, le talent de narrateur de l’auteur nous permettant de profiter de personnages à la caractérisation soignée et de l’exploration de différentes thématiques toutes très bien traitées.
Par bien des aspects, ce premier tome de Trees m’a fait fortement penser à la série Sense 8 : l’histoire est complètement différente, mais cette façon de « zapper » d’un personnage à l’autre autour d’une intrigue de départ centrale mais avec chacun ses préoccupations ressemble aux premiers épisodes de la série. En tout cas, d’un bout à l’autre ce premier album est tout simplement captivant : la magie de Warren Ellis opère une fois de plus, et il entraîne le lecteur dans une histoire captivante et même envoûtante.
Du côté du dessin, le style de Jason Howard colle parfaitement à l’ambiance étrange du récit. Les différentes parties, consacrées aux personnages éparpillés dans le monde, sont parfaitement illustrées dans des planches très soignées.
Un excellent album, à l’atmosphère envoûtante.
Five ghosts tome 3 | |
Glénat Comics 160 pages – 15.95€ Frank J. Barbiere |
Série en cours
Par ici la Transylvanie !
Fabian Gray n’est pas un chasseur de trésors comme les autres ! Hanté par 5 fantômes de la littérature populaire (le Magicien, l’Archer, le Détective, le Samouraï et le Vampire), il utilise leurs pouvoirs extraordinaires pour s’emparer facilement de ce qu’il souhaite. Après un séjour dans l’archipel japonais, Fabian se rend cette fois-ci en Europe de l’est pour une toute nouvelle aventure. L’occasion de renouer avec l’esprit probablement le plus redoutable qui l’habite : Dracula !
Dans les tomes précédents, nous avons fait la connaissance de Fabian Gray, victime d’une malédiction peu commune. Il est temps de retrouver l’aventurier dans la suite de ses aventures hors norme.
Dans ce troisième tome, Frank J. Barbière exploite le concept de son personnage hanté par des figures illustres de la culture populaire dans une direction plus sinistre, en faisant intervenir le redoutable Dracula. Ce dernier n’étant pas forcément très recommandable, tout ne peut aller que de mal en pis et c’est précisément ce qui se passe. En fait ce tome pourrait presque être sous-titré « Tout ce qui pourra aller mal ira mal », tant cela semble être la tendance générale de l’histoire.
Mitigé sur la qualité du premier tome, j’avais davantage apprécié le second qui était bien meilleur. Ce troisième tome ne démérite pas vis-à-vis de son prédécesseur, en étant au même niveau. L’intrigue est soignée, avec pas mal de rebondissements et les emprunts à la littérature populaire continuent d’être employés à bon escient. A ce titre, l’identité du « méchant » de l’histoire est à la fois surprenante et logique si on prend en compte les petits indices disséminés ici et là (je n’en dirai pas plus pour ne pas faire de spoiler).
En tout cas on prend vraiment plaisir à suivre les aventures de Fabian Gray, et ça valait vraiment le coup de s’accrocher après le premier tome car la suite était d’un niveau supérieur. Ce petit côté « pulps » est en outre très agréable et donne un cachet plaisant à cette série.
Du côté du dessin, c’est une nouvelle fois Chris Mooneyham qui tient les crayons. L’artiste est plus constant dans son dessin que dans le tome précédent (ce qui était un point faible de l’album), et restitue parfaitement l’ambiance particulière du récit.
Un très bon album, avec un concept très bien exploité.
Jessica Jones tome 1 | |
Panini Comics 112 pages – 14€ Brian M. Bendis |
Jessica Jones : le retour !
Jessica Jones sort de prison. Son mari Luke Cage lui en veut terriblement, elle s’est coupée de tous ses amis… Que s’est-il passé pour que l’héroïne renoue avec sa vie d’avant, et ouvre de nouveau les locaux d’Alias Investigations ?
(Contient les épisodes US Jessica Jones (2016) 1-5, inédits)
De nouvelles aventures de Jessica Jones signées de ses créateurs (Brian Michael Bendis et Michael Gaydos), il y a de quoi être heureux… ou pas ?
Bien des années après Alias, nous retrouvons en effet la détective badass de Marvel dans de nouvelles aventures, et forcément le climat est très très sombre. Forcément, puisque nous ne sommes plus dans le registre de la collection Marvel Max (les comics « adultes » de Marvel), les situations sont moins glauques que dans Alias (et le langage un peu moins ordurier), mais ce n’est pas pour autant que Jessica vit des moments idylliques.
Sous la plume de Brian Michael Bendis, Jessica est en effet à nouveau dans de sales draps dès les premières pages de cette nouvelle série. Tout ce qui est arrivé de positif depuis Alias semble en effet lui avoir explosé à la figure, tandis qu’elle se retrouve embarquée dans une sombre histoire… qui n’est malheureusement ni très surprenante ni très originale.
Attention : je ne suis pas en train de dire que cet album est mauvais, loin de là même. Bendis maîtrise à merveille son personnage et nous livre une histoire passionnante d’un bout à l’autre, même si le twist se devine assez aisément. Mais en ayant lu la série Alias, on retrouve assez rapidement des choses qui ressemblent très fortement à ce qui a déjà été fait. Après c’est plutôt agréable de retrouver Jessica, un peu comme de retourner sur son lieu de vacances préféré qui n’aurait pas changé depuis la dernière visite. Mais d’un autre côté ça fait un peu redite, et on pourrait même soupçonner une certaine volonté de réinitialiser le personnage à sa situation antérieure à The Pulse pour se rapprocher de la version de la série Netflix.
L’album est donc très plaisant à lire, avec une utilisation tout à fait correcte du personnage (ce qui vu les travaux récents de Bendis n’était pas gagné). On retrouve aussi tout son univers, qui fait que même si c’est édulcoré par rapport à la version Max on se retrouve immédiatement en terrain connu (tout en retrant aussi accessible pour les lecteurs novices). Mais ça sent un peu le réchauffé et c’est dommage.
Du côté du dessin, là aussi on est en terrain connu : Michael Gaydos nous livre des planches qui là aussi font fortement penser à Alias, même si ses dessins de visages sont un peu plus flatteurs pour les personnages qu’ils ne l’étaient par le passé. On notera avec soulagement qu’il n’a pas cédé à la tentation de donner à Jessica les traits de Krysten Ritter, son interprète à la télévision.
Un très bon album, qui pèche juste pour son côté réchauffé.
Faith tome 2 | |
Bliss Comics 112 pages – 14.95€ Jody Houser |
Dans une ville assiégée par des robots, des extraterrestres, des monstres, et pire… des célébrités, les habitants de Los Angeles ne peuvent compter que sur une femme : la super-héroïne Faith ! Journaliste le jour et justicière la nuit, Faith a surmonté tous les obstacles avec succès : les délais impossibles au bureau, les difficultés d’une relation à distance avec son petit ami, et même les quelques numéros manquants qui gâchaient sa collection de comics ! Mais elle va maintenant devoir faire face à une menace inattendue : un individu bien décidé à se débarrasser d’elle définitivement ! Qui se cache derrière le masque de ce nouvel ennemi, peut-être le seul capable de priver Faith de ses pouvoirs ?
BONUS : Faith et Archer vont en convention !
Contient Faith (série régulière) #1-4
Après un premier tome particulièrement réussi, il est temps de retrouver Faith dans la suite de ses aventures. Notre héroïne geekette n’a en effet pas dit son dernier mot et a encore pas mal d’aventures sympathiques à vivre sous notre regard de lecteur.
Sous la plume toujours très inspirée de Jody Houser, nous retrouvons donc Faith confrontée à des situations souvent insolites mais toujours dangereuses. Les différentes intrigues sont toutes intéressantes, avec une partie se déroulant en convention qui offre un côté décalé à l’histoire (ne serait-ce que pour la multitude de petites annotations sur les bonnes pratiques en convention, toutes pleines de bon sens) et met en valeur le côté geek de Faith. Son duo avec Archer (de la série Archer & Armstrong) fonctionne parfaitement et même s’il est clair que Faith a tout à fait les épaules pour avoir sa série bien à elle on peut se dire qu’il serait intéressant d’avoir une mini-série centrée sur ce duo complémentaire.
Jody Houser met en scène une héroïne attachante, dotée de fortes valeurs morales tout en restant une humaine avec ses forces et faiblesses. On se prend vite au jeu en suivant Faith dans son quotidien, qu’il s’agisse de la voire en pleine bagarre ou en train de se construire une vie plus ou moins normale avec son identité civile. Le scènes d’action sont très réussies, avec une très bonne utilisation des pouvoirs de Faith et des adversaires redoutables. Le dénouement de la partie se déroulant en convention est en tout pas poignant, et il faudrait même être bien insensible pour prétendre qu’on sort de sa lecture sans être affecté.
Du côté du graphisme, une fois encore les dessins sont signés de différents artistes suivant les situations : Pere Perez et Marguerite Sauvage. Cette idée s’avère une nouvelle fois excellente, car elle permet de bien différencier justement les passages en question et les styles des artistes sont tout à fait complémentaires.
Côté bonus, on retrouve une nouvelle fois les coulisses de la création de l’album, ce qui s’avère toujours aussi intéressant.
Un excellent album, qui permet une nouvelle fois de suivre les aventures d’une héroïne attachante.
Manifest destiny tome 3 | |
Delcourt Comics 144 pages – 15.95€ Chris Dingess |
L’expédition de Merriwether Lewis et William Clark s’aventure toujours plus profondément au cœur du territoire américain. La découverte d’une autre arche les met en contact avec une nouvelle et incroyable civilisation, totalement différente de ce qu’ils connaissaient jusqu’alors. Malheureusement, les dangers qui les guettent ne font qu’empirer.
Manifest destiny est une série qui se bonifie d’album en album, et ce troisième tome confirme la tendance en étant encore plus réussi que les deux précédents.
Chris Dingess nous raconte la suite du périple des intrépides explorateurs du Nouveau monde, qui se retrouvent une nouvelle fois confronté à des situations à la fois très étranges et très périlleuses. L’auteur maîtrise à merveille son univers, en nous proposant un récit mené tambour battant et repoussant une nouvelles fois les limites de l’étrange.
Les créatures que croisent les membres de l’expédition sont en effet toujours plus insolites, et les dangers rencontrés de plus en plus importants. De bien étranges personnages font aussi leur apparition, et leur statut (ami ? ennemi ?) est bien incertain au fil des rebondissements auxquels nous assistons tandis que l’auteur nous entraîne dans un récit captivant et plein de surprises.
Ce troisième tome est en tout cas le plus réussi de la série à ce jour : le concept qui a donné naissance à la série est en effet très bien exploité, et les personnages parfaitement utilisés. L’atmosphère générale est particulièrement flippante, car à force on a très bien compris que tout peut arriver au fil de cette expédition ! Et même si quelques petites choses peuvent se deviner, l’auteur a en réserve des surprises très réussies et souvent fort déplaisantes (âmes sensibles s’abstenir).
Le dénouement de cet album (pas de la série) est en tout cas d’une très grande dureté et même s’il surprend il faut reconnaître après coup qu’il est tout à fait logique. Mais en ce qui me concerne il m’a fait un sacré choc et classe d’emblée cet album dont la conclusion laisse un goût de gravier dans la bouche car il est particulièrement difficile à supporter.
Le dessin, signé Matthew Roberts, est quant à lui une grande réussite. Qu’il s’agisse de dépeindre des paysages tels qu’on n’en voit plus depuis bien longtemps ou des créatures qui dépassent l’entendement, l’artiste est tout à fait à l’aise pour signer des planches qui servent très bien le récit.
Un excellent album, au final saisissant.
Cette édition est maintenant terminée. Merci à vous pour votre fidélité, on se dit rendez-vous pour la 500e ? 😉
Merci pour ton avis sur Manifest Destiny et pas de problème, je serais là pour la 500e 🙂
Avec plaisir 😀